Titre : La vie continue... pleine de surprises
Auteur : BuffySummers17
Résumé : Le Scooby-Gang refait sa vie dans une toute nouvelle ville, et Giles a créé un centre qui acceuille et entraine les Tueuses. Faith s'occupe de retrouver les Tueuses et de les emmener au centre. Buffy reprend pied peu à peu. Et une surprise de taille l'attend. Un nouveau personnage principal débarque. Alex est un peu déprimé, mais se remet peu à peu. Mon histoire se situe après la saison 7 de "Buffy" et la saison 5 d'"Angel". J'ai repris certains détails de la série "Angel", mais j'en ai changés quelques uns.

Episode 1 "CARREFOURS"

Le vampire leva sa victime au-dessus du sol, serrant sa grosse main autour de son cou. Elle essaya maladroitement de donner des coups de pieds, de crier, mais le son mourut dans sa gorge et devint une sorte de son guttural non articulé. Ses mains cherchaient à atteindre la main qui lui bloquait la trachée, mais elle n'y parvenait pas et ses mouvements frénétiques n'arrivèrent qu'à lui enlever le peu d'oxygène qui lui restait dans les poumons. Elle sentit que ses forces la lâchaient et rabaissa ses bras de chaque côté de son corps, pendant mollement alors qu'elle perdait peu à peu connaissance. Avec un grognement vorace, le vampire découvrit ses crocs et plongea sa tête dans le cou nu de la jeune fille.

Le regard d'envie et d'excitation qui traversa le visage démoniaque du vampire fut vite remplacé par un regard d'alarme et d'incrédulité tandis qu'il se transformait en poussière à cause du pieu qui lui avait traversé le dos pour atteindre son coeur. La jeune femme tomba à terre, se releva sur un coude et toussa en regardant son sauveur. "Willow, ça va ?"

La jeune femme rousse hocha la tête, sa gorge lui faisait encore trop mal pour qu'elle puisse articuler des mots. Elle se massa doucement la gorge endolorie et regarda l'endroit où le vampire avait été quelques secondes plus tôt avec un sentiment d'indignité. "On a besoin d'aide par ici !" appela une voix à l'autre bout du cimetière. Le sauveur de Willow courut immédiatement dans cette direction.

Alex était acculé contre une grande crypte par trois vampires, toutes des femmes, moins musclées que le premier vampire, mais elles étaient plus agiles et plus rapides. A chaque fois qu'Alex essayait d'en éviter une pour se mettre dans une meilleure position, les vampires anticipaient son mouvement et le contraient. Dès qu'il tentait d'abattre sa longue épée, qu'il tenait fermement dans ses mains, sur l'une d'elle, elles s'écartaient en riant cruellement. Les vampires étaient vraiment en train de jouer avec leur nourriture, et ce n'était plus qu'une question de temps avant qu'elles ne s'ennuient et décident de mettre fin au jeu.

Le visage habituellement jovial d'Alex était imprégné de peur et d'inquiétude tandis que son seul oeil allait d'un vampire à l'autre pour ne pas laisser un coin d'ombre trop longtemps.

"Je ne crois pas que vous recherchiez un quatrième joueur pour jouer au bridge, n'est-ce pas ?" demanda-t-il avec espoir. Un grognement inhumain fut sa seule réponse. "C'est bien ce que je pensais," dit Alex avec un sourire sinistre.

Ses dernières paroles semblèrent déclencher quelque chose, car les trois vampires sautèrent, comme si elles ne formaient qu'un, sur le toit de la crypte. Alex eut juste le temps de lâcher un cri féminin en balançant follement son épée en l'air. Elle ne tua malheureusement personne. Alors que les vampires se rapprochaient dangereusement de leur proie, l'épée continua sa trajectoire avant d'atterrir comme par magie dans une main expérimentée. Les doigts bien serrés autour de la poignée, la silhouette qui avait récupéré l'épée s'avança avec une grande confiance vers les vampires, qui essayaient de coincer un Alex qui se tortillait tant bien que mal.

"Hé !" cria la silhouette. Les vampires levèrent la tête, surprises d'être interrompues. "Vous voulez un défi à votre hauteur ou vous sortez juste de terre pour tuer des hommes faibles et sans défense ?"

"Faibles ?" émit une voix offensée. "Je contrôle encore tout pour le moment." Avec un cri d'animaux enragés, les vampirent abandonnèrent Alex et sautèrent vers le nouvel arrivant. L'acier de l'épée se mit à scintiller à cause des mouvements rapides que lui faisait faire son possesseur et bientôt, trois têtes tombèrent au sol et se changèrent en poussière, suivies de leurs corps respectifs. Changeant l'épée de main, la silhouette tendit une main vers Alex et le remit facilement sur pieds. Il essuya son jean et sourit de bonheur d'être encore en vie. "Est-ce que c'est tout ce qu'il y avait ?" demanda-t-il. "Pas tout à fait, il y en a encore un." D'un mouvement ultra rapide, la silhouette fit apparaître une petite arbalète dans ses mains. Elle appuya aussitôt sur la gâchette et une flèche partit à une vitesse incroyable : elle traversa la cage thoracique du dernier vampire quelques mètres plus loin. La poussière retomba sur la jeune femme blonde qui venait juste de commencer à manger son snack de minuit.

Buffy toussa, épousseta ses vêtements en envoyant des petits nuages de poussières dans les airs. "Très beaux mouvements, Dawn", dit-elle avec beaucoup de respect et d'admiration. Dawn les éblouit d'un grand sourire et jeta son arbalète par-dessus son épaule. "Tout ça en seulement un jour de travail," dit-elle nonchalamment. Elle s'éloigna d'Alex afin de rejoindre un jeune homme, habillé avec un pantalon de cuir noir serré et une fine chemise blanche ouverte qui s'agitait sous la brise douce qui venait de se lever. Il avait le corps d'un dieu grec et il la regardait avec une passion brûlante et un amour sans limites. "Oh, Dawn," murmura-t-il en se penchant afin de l'embrasser d'un baiser qui sembla durer des jours. Ils se séparèrent enfin.

"Est-ce que tu veux des Raisin Bran ou des Corn Pops ?" demanda-t-il. "Hein ?" Dawn ouvrit les yeux et regarda autour d'elle avec confusion. Elle était dans on lit, les bras lovés autour de son oreiller, les cheveux ébourriffés. "Dawn ! Petit-déjeuner ! Allez, viens !" dit la voix de Willow depuis le rez-de-chaussé. "Tes céréales sont en train de devenir de la bouillie !" cria Alex.

Jetant un coup d'oeil à son radio-réveil, Dawn lut qu'il était sept heures huit. Avec un petit gémissement, elle tira les couvertures sur sa tête. "Buffy a vraiment de la chance de ne pas avoir à se prendre la tête avec des trucs de ce genre."

Buffy fut réveillée en sursaut quand une chaussette mouillée vint atterrir sur son visage. Elle toussota et s'assit dans son petit lit. Elle retira l'assaillant mouillé de son visage, le prit dans sa main et le serra fort en regardant la fille à quelques mètres qui déposait des vêtements mouillés n'importe comment sur le lit à côté du sien. La fille ne remarqua pas Buffy et continua d'étendre des habits sur le radiateur, sur la tête de lit, sur la lampe... n'importe quel endroit libre et chaud. Buffy roula des yeux et jeta la chaussette dégoulinante par terre. Elle atterrit sur le tapis entre les deux lits. Elle se recoucha et tira les couvertures sur sa tête.

GENERIQUE

chapître 1 :

Dawn descendit les escaliers en sautillant et se dirigea vers la salle à manger, toute habillée et prête à aller à l'école. "Salut," dit-elle en s'affalant dans une chaise. Elle tendit le bras et attrapa la bouteille de jus d'orange pour s'en servir un verre.

"Il était temps que tu rejoignes le monde des éveillés," dit Willow en regardant Dawn par-dessus son ordinateur portable. "Ce réveil en criant semble devenir une habitude, on devrait t'acheter un radio-réveil."

"Oh, j'en ai un," répondit la jeune adolescente en vidant son verre avant de voler un toast dans l'assiette de Willow. "Je... Je l'ignore, c'est tout."

Ses yeux se concentrèrent sur l'écran tout en couleurs du portable. Willow avança sa main sans regarder vers son assiette, mais ses doigts se refermèrent sur du vide. Elle tâta encore dans l'assiette et leva les yeux vers le reste de son petit-déjeuner qui était en train d'être englouti dans la bouche de Dawn. Elle lui lança alors un regard foudroyant. "Ah, l'écoute sélective. Je connais ça bien." Alex entra dans la pièce avec une grosse pile de gauffres et une bouteille de sirop. Il déposa l'assiette devant une chaise vide et essuya ses mains sur le tablier rose qu'il portait autour de sa taille. "Salut Dawn !" s'exclama-t-il. "Tu veux des toasts ?"

"Non merci, j'ai déjà mangé", répondit Dawn en ignorant le raclement de gorge de Willow. "Je dois partir attraper le bus dans une minute de toute façon." Une lueur nostalgique passa dans ses yeux. "Attraper le bus pour aller à l'école. Le rêve de toutes les jeunes filles. Certainement pas d'avoir son permis ou peut-être une magnifique petite décapotable payée par les fonds du Conseil qui sont maintenant accessibles grâce à une attachante, généreuse et merveilleuse sorcière - pirate de l'informatique rousse." Son discours terminé, elle se tourna vers Willow en souriant jusqu'aux oreilles.

Willow la regarda avec un air qui disait clairement que son stratagème ne marchait pas. Pas du tout. "Désolée, je ne t'ai pas entendu. J'étais trop occupée à ne pas manger mon toast."

Alex rigola et enfonça un énorme morceau de gaufre dégoulinant de sirop dans sa bouche. "Willow, allez ! Ce serait juste piocher un peu d'argent dans un seau énorme et profond," supplia Dawn. "Et ce n'est pas ce à quoi l'argent va servir ! On s'en sert pour reconstruire le Conseil de zéro, pour.... pour le faire réellement travailler pour les Tueuses au lieu qu'il soit impérieux et autoritaire comme autrefois. Il ne sert pas à acheter des choses personnelles, Dawn, tu le sais."

"Il sert à acheter un ordinateur portable dernière génération ?" Willow passa inconsciemment ses bras autour de l'engin devant elle. "C'est différent. Je l'utilise pour du travail pour le Conseil." "Et des fois, elle me laisse jouer à Everquest dessus," ajouta Alex avec un grand sourire qui s'évanouit lorsqu'il vit le regard sévère que lui lançait Willow. "Je veux dire... pas de décapotable. Les décapotables, non."

Dawn soupira comme tous les adolescents de par le monde savent le faire. "Très bien," rouspéta-t-elle. "Est-ce que je peux au moins passer mon permis ?" "Apprendre à conduire avant d'avoir la voiture me semble être une bonne idée," dit Alex avant d'avaler une autre bouchée de gaufre. Willow hocha la tête. "Et tu... Mais... tu sais... Tu conduis comme Buffy." Bouche bée, Dawn se tourna vers Alex. "C'est pas vrai !" "Euh... si un peu ! Combien de fois j'ai dû réparer la boite aux lettres ?" demanda Alex. Dawn ferma la bouche et maugréa.

"Eh bien, comment est-ce que je peux m'améliorer sans pratiquer ?" Willow et Alex se regardèrent pendant un moment et Willow se tourna vers Dawn. "Tu as raison. On... On va te laisser nous conduire. Après... on fait des provisions de Valium." "Que Dieu veille sur nous," ajouta Alex doucement. Dawn poussa un petit cri aigu tant elle était contente et sauta sur place. "Vous êtes les meilleurs !"

"Souviens-en toi quand tu écriras ce livre autobiographique sur nous," sourit Willow en embrassant Dawn sur la joue tandis que l'adolescente la serrait dans ses bras. Puis, Dawn fit la même chose avec Alex.

"Et fais attention de ne pas oublier la fois où on t'a enfermé dans un placard pendant trois jours et trois nuits avec un bout de pain et une louche d'eau après t'avoir fait nettoyer la salle de bains avec une brosse à dents." Dawn roula des yeux, rassembla ses livres et fonça vers la porte. "Je vous revois plus tard," dit-elle. "Passe une bonne journée à l'école !" cria Willow. "Apprends beaucoup !" dit Alex. "Bonne chance pour ton devoir de maths !" "Ne parle pas aux étrangers !" "Regarde des deux côtés de la rue avant de traverser !" "Mon Dieu, je vis avec June et Ward Cleaver," pouffa Dawn avant de refermer la porte derrière elle.

Alex repensa aux derniers mots de Dawn et enleva les assiettes sales de la table. "Alors, qui de nous est qui ?" Avec un regard de quelqu'un qui évalue une situation, Willow regarda Alex des pieds à la tête. "Disons que je ne crois pas que Ward porterait ce genre de tablier." Alex se souvint soudain avec répulsion du vêtement rose flashy autour de sa taille. "Oh, mon Dieu..." dit-il avec horreur en se dirigeant vers la cuisine avec les couverts sales. Willow rit et secoua la tête.

"Quelque chose de nouveau et de fascinant sur le net ?" demanda Alex depuis la cuisine tandis qu'on entendait aussi le bruit de l'eau couler. "Pas grand chose," répondit Willow. "Mes emails à Oz n'atteignent jamais leur destinataire. C'est tellement typique de lui ! Me voici toute joyeuse et en train de déblatérer, et lui, il est assis je ne sais où avec son visage toujours aussi stone. Sauf que... les emails reviennent... Ce qui veut dire qu'il ne les lit pas, mais je crois pourtant que l'adresse que j'ai est encore valide. Qu'importe ! La dernière fois que j'ai entendu parler de lui, on voulait monter une petite boutique à Cleveland, donc j'espère qu'il ne prévoit pas d'autres arrivées surprises comme à Sunnydale, parce qu'il serait amèrement déçu." "Et Buffy ? Tu as eu de ses nouvelles récemment ?"

Willow fronça les sourcils et secoua la tête, même si Alex ne pouvait voir ce mouvement. "Rien de chez rien. Rien depuis qu'elle a quitté Londres." Elle leva les yeux vers Alex qui entrait à nouveau dans la pièce, cette fois sans tablier. Il prit une chaise à côté d'elle. "Je... je suis un peu inquiète à son sujet. Mais c'est Buffy, je ne devrais pas m'inquiéter. Je suis sûre qu'elle est quelque part au loin et qu'elle vit une vie un peu comme Riley." Willow s'arrêta et fronça à nouveau les sourcils. "Cepdant, elle n'était probablement pas avec Riley puisqu'il mène une vie d'agent top-secret qui combat les démons dans la jungle. Et, comme tu le sais, marié. Et, je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de jungles à Londres... Tu crois qu'elle est avec Riley et que c'est pour ça qu'elle n'appelle pas ?"

"Je ne crois pas qu'elle soit avec Riley", dit Alex, "mais je suis certain qu'ellle va bien. Elle doit sûrement traîner dans un pub anglais cosy, buvant de la bière tiède et essayant désespérement de trouver des bouts de saucisse dans sa purée." La jeune fille rousse hocha la tête, mais son expression devint triste tandis qu'elle caressait du bout des doigts le clavier de son portable. "Est-ce.... Est-ce que tu penses qu'on lui manque ?"

Alex tendit son bras pour serrer gentiment l'épaule de Willow. "Je sais que oui. Nous lui manquons autant qu'elle nous manque." "Alors, pourquoi est-ce qu'elle ne rentre pas à la maison ?" demanda Willow avec une pointe de colère dans la voix. "Elle est partie depuis bientôt deux mois maintenant, et elle n'appelle même plus pour savoir comment on s'en sort ! C'est... C'est comme si maintenant qu'il y avait des centaines de Tueuses dans le monde, elle avait totalement oublié son passé..."

"Willow". En entendant le ton doux de la voix d'Alex, Willow leva les yeux, remplis de larmes de peine et de colère. "Buffy n'était pas seulement notre amie parce qu'on l'a aidé à tuer des vampires, à bannir un démon de l'Enfer... Buffy nous aime. Pour ce que nous sommes. Elle a juste besoin de ça. Elle a passé les sept dernières années à combattre le Mal sur la Bouche de l'Enfer et elle a besoin de faire une pause. C'est tout."

Tout cela ne réussit pas à apaiser Willow qui se leva pour exprimer sa frustration. "Nous aussi, Alex. Toi, moi, Giles, nous avons tous combattu sur la Bouche de l'Enfer durant sept ans. On a tous ressenti la douleur et on a tous fait des sacrifices. Mais on est toujours là. On n'a pas décidé d'arriver en Europe et de s'enfuir une fois arrivés ici." "Je sais, mais c'était notre choix. Nous étions des volontaires dans l'armée de Buffy, et on aurait pu arrêter à tout moment si on l'avait voulu. On peut toujours. Buffy non. Et maintenant qu'elle a le choix, on doit le respecter."

Willow soupira profondément et fit parcourir sa main dans ses cheveux. "Oui, je sais. C'est juste... qu'elle me manque, Alex. Je veux que Buffy rentre à la maison." "Moi aussi, Willow. Moi aussi."

En entendant le bruit de la porte qui s'ouvrait, Giles leva les yeux et regarda par-dessus la pile énorme de papiers sur son bureau et fit un grand sourire. Il se leva et fit de grandes enjambées pour accueillir la jeune fille qui hésitait à entrer dans la pièce. Elle paraîssait grande pour son âge et avança vers Giles d'un air dégingandé en mettant une mèche de courts cheveux noirs derrière son oreille.

"Mr Giles, c'est Judith. Judith, c'est Mr Giles." Andrew se pencha vers la jeune fille et baissa le ton de sa voix pour donner l'impression de lui confier quelque chose : "Il a l'air vachement intimidant et tout, mais c'est juste son accent qui fait ça."

Giles lança à Andrew un regard qui suffit à être intimidant sans qu'il n'y ait de mots prononcés, et le jeune homme se raidit immédiatement en s'éloignant un peu de Judith. "Hum, du thé ! Je parie que vous aimeriez du thé, n'est-ce pas Mr Giles ? Vous voulez du thé, Judith? Je viens d'acquérir un paquet d'une variété très excitante de Twinings pour un prix très raisonnable. Je crois qu'une tasse de thé de petit-déjeuner anglais aiderait à vous relaxer après votre vol. Même si ce n'est plus tellement l'heure du petit-déjeuner, n'est-ce pas ? Est-ce qu'on peut boire du thé de petit-déjeuner anglais à midi, Giles ?" Andrew regarda Giles en attendant une réponse, son changement de sujet ayant dissiper un peu la tension qui régnait. Giles, pour sa part, avait retiré ses lunettes et se massait le nez. La tension d'Andrew avait trouvé un nouveau refuge... "Ca me paraît bien, Andrew, deux tasses s'il te plait," soupira-t-il, ignorant la question.

"Ok, d'ac !" dit Andrew joyeusement, quitta le bureau en fermant la porte derrière lui. Giles réajusta ses lunettes et sourit chaleureusement à la jeune fille debout devant lui. "Je m'excuse vraiment pour Andrew... Son... enthousiasme est rarement contagieux, mais il veut bien faire." Il désigna de la main l'une des chaises confortables et luxueuses installées devant le bureau et alla s'asseoir dans la sienne. Judith fit de même et tenta de se calmer.

"Oui, j'avais compris." Elle parcourut la pièce des yeux : il y avait des piles de boites un peu partout et des livres occupaient le moindre centimètre carré de la pièce, y compris la plupart du sol.

"Je vous prie de m'excuser pour le désordre. J'ai peur que nous n'ayons pas encore fini notre emménagement." Judith hocha la tête timidement et continua d'examiner les volumes avec leurs couvertures étrangement décorées. Elle observa ensuite les tapisseries et les photographies sur les murs. Ses yeux se posèrent finalement sur la faux accroché sur le mur derrière Giles.

Judith essaya de garder la bouche fermée, mais elle ne put se retenir complètement. "Est-ce que c'est... ?" commença-t-elle. Giles suivit son regard et sourit face à sa réaction. "Je vois que Faith n'a pas omis de vous raconter cette histoire," dit-il, l'air satisfait. Judith sourit et regarda Giles. "Eh bien, elle m'a dit quelque chose comme : 'La rouquine a travaillé sur cette hache pour que toutes les potentielles deviennent des Tueuses. Voilà pourquoi tu peux faire un trou dans un mur de briques avec ta main ou que tu as la résistance physique d'un cheval de course.' Puis, elle m'a dit que je devrais 'bouger mes fesses jusqu'en Pennsylvanie' et elle m'a donné votre carte."

Giles retira ses lunettes et commença de les essuyer avec un mouchoir qu'il avait tiré de sa poche. "Oui, bien, ce n'est pas exactement le discours que je lui avais écrit, mais je crois que le message principal y est." "Mr Giles, tout est si...." Judith inspira profondément et tenta de se concentrer sur ses pensées. "Etrange. Je veux dire, je suis allongée sur mon lit, fatiguée par ma journée à l'école et la seconde d'après, je sens que je pourrais courir dix miles et que j'aurais encore de l'énergie après ça. Je sais que la puberté entraîne des changements, mais ça me semble un peu trop."

Il rit et se pencha en avant en posant ses mains sur le bureau. "Je peux seulement imaginer." Le visage de Giles devint soudain plus sérieux tandis que leurs regards se croisèrent. "Mais c'est pourquoi nous sommes ici, Judith. Pourquoi vous êtes ici. Il y a de grandes forces obscures dans ce monde, des forces maléfiques qui conspirent pour détruire ce que nous avons de plus cher. Depuis des millénaires, il n'y avait qu'une femme qui luttait contre ce Mal, une seule femme qui se battait et mourait pour la sûreté du monde. Désormais, il y en a pleins, chacune dotée d'une vitesse, d'une force hors du commun. Mes compatriotes et moi tentont de rassembler ces filles, de les entraîner, de leur montrer comment utiliser leurs capacités. Je ne vais pas vous mentir, Judith. La vie d'une Tueuse est violente et dangereuse. Vous serez à l'extérieur, combattant ces forces. Je ne peux vous garantir votre sécurité, tout comme je ne peux vous garantir que vous aurez une vie exempte de chagrin. Je peux, toutefois, vous donner le meilleur entraînement possible et l'art de contrôler vos pouvoirs. Contrairement aux autres Tueuses avant vous, vous n'aurez pas à affronter le Mal seule."

Giles se câla dans sa chaise, réalisant d'après les traits de la jeune fille qu'elle avait parfaitement compris ce qu'il lui avait dit. "Je peux aussi vous donner ce qu'aucune Tueuse auparavant n'a eu : le choix. Vous pouvez partir immédiatement sans vous retourner, et vous n'entendrez plus jamais parler de nous. Ou, vous pouvez décider d'embrasser les pouvoirs qui vous ont été donnés, rester ici avec le Conseil et nous aider à protéger le monde. Ce choix vous appartient, Judith."

La porte s'ouvrit et Judith sursauta. Andrew entra en portant un vieux plateau en argent sur lequel reposait une théière, deux tasses et une assiette de cookies. Il le déposa sur le bureau, à l'endroit où Giles venait d'enlever ses livres et sourit à la jeune fille en mâchant un cookie. "Jaffa Cakes," expliqua-t-il. "Mr Giles les fait venir d'Angleterre. Ils sont délichieux." "Quel merveilleux mot. J'espère que c'est un compliment," dit Giles sèchement, versant du thé à Judith puis à lui.

Andrew hocha de la tête et regarda Judith qui soufflait sur sa tasse de thé. "Alors, quel est le verdict ? Est-ce que tu comptes vivre de tes pouvoirs et embrasser ta destinée de Tueuse de Vampyres ?" La jeune fille sembla réfléchir à la question en observant Andrew puis Giles. Tandis qu'Andrew était à peine capable de se contenir en attendant la réponse, Giles restait calme et regardait Judith avec gentillesse tout en sirotant son thé. "Je crois que..." dit Judith en levant les yeux vers la faux. "Je crois que j'aimerais apprendre à devenir une Tueuse."

"Yes !" s'exclama Andrew, aux anges. "Oh, tu vas adorer être ici, Judith. Slayer Central a la plus étonnante salle hi-fi ! Alex -- j'ai vraiment hâte que tu le rencontres, c'est le mec le plus cool du monde entier -- nous a construit une salle de loisirs avec une télé géante à écran plat haute définition, un lecteur de DVDs et une place pour ma Xbox. Je suis en train de jouer à mon cinquième jeu de "Knights of the Old Republic". Est-ce que tu aimes Star Wars ? Je suis tellement impatient de voir l'épisode trois..."

Alors qu'Andrew continuait à s'extasier devant une Judith un peu déboussolée, Giles continuait de boire son thé en souriant.

Le rugissement de la moto brisa la paix idyllique de ce quartier tranquille en prenant un virage à bien plus que la limite indiquée, vingt miles à heure. Une vieille femme dans son jardin leva la tête de ses plantations pour voir le conducteur tandis que l'engin traversait la rue à toute vitesse. Les lèvres pincées, la vieille femme retourna à ses pogonias en marmonnant que les jeunes ne respectaient plus rien désormais.

Le conducteur arrêta sa moto à un carrefour. Faith inspecta le nom des rues rapidement, essayant de se rappeler dans quelle direction elle devait aller. Le nom des rues ne lui disaient rien alors elle observa un peu autour d'elle, les maisons, les jardins, à la recherche d'un indice qui pourrait la mettre sur la bonne voie. Mais les rangées de maisons étaient presque toutes indentiques : des maisons claires, parfaitement alignées, possédant toutes un garage pour deux voitures et un petit jardin bien entretenu. Personne n'était là pour l'aider.

"Ah, c'est beau le rêve américain," se dit-elle avec une pointe de dédain. Faith mit sa main dans une des poches de sa veste en cuir et en sortit un minuscule bout de papier froissé plié. Elle le déplia lentement, mit son doigt sur toutes les directions qu'elle avait prises et s'arrêta en bas. Vérifiant à nouveau les panneaux sur les maisons, Faith sembla satisfaite et replia rapidement le bout de papier avant de le remettre à sa place. Elle se remit vite sur son siège, démarra sa moto et tourna à droite, effrayant au passage un écureuil qui se dépêcha de grimper dans son arbre. Le vrombissement du véhicule s'entendit encore bien après qu'il soit au loin

"47 ! 48 ! 49 ! 50 !" criait la voix de Kennedy, résonnant dans gymnase. Elle regardait le groupe de quinze filles finir leurs sauts, les bras croisés contre sa poitrine tandis qu'elle marchait devant elles. Ses cheveux étaient tirés en arrière par une queue de cheval qui s'agitait à chaque fois qu'elle se tournait et sa bouche fine et horizontale était la preuve de son fort caractère. Kennedy était parfaite pour ce travail.

"Très bien, mettez-vous par deux ! On va travailler la manoeuvre de Korfec. Alternez les rôles entre attaquant et attaqué. Vous ne partirez pas d'ici tant que vous ne me l'aurez pas fait correctement. Lynn, avance-toi ; on va commencer avec toi."

Une fille, plus grande que Kennedy de quelques centimètres, s'avança. Elle avait les cheveux châtains et les yeux d'un bleu pâle, ce qui contrastait encore plus avec Kennedy. Cette dernière sourit en coin et regarda Lynn, ne sentant clairement aucune intimidation due à la différence de taille. Quant à Lynn, son visage portait un masque d'intense concentration qui se renforça lorsqu'elle plissa les yeux et banda ses muscles, s'enfonçant un peu plus dans les tapis qui recouvraient le sol du gymnase. La tension entre les deux combattantes montait, mais elles continuaient simplement de se regarder. Le seul avertissement qu'eut Kennedy de l'attaque imminente de Lynn était un petit changement dans sa posture, ce fut tout. Le poing de la plus jeune des deux femmes ne réussit pas à atteindre sa cible car Kennedy fit un large mouvement avec le bras et l'évita. Lynn avait concentré toute son énergie dans ce coup de poing, alors elle fut déséquilibrée quant elle le rata et trébucha. Kennedy, non. Elle envoya la jeune fille dans les airs en lui donnant un grand coup de pied. Lynn atterrit au sol tandis que Kennedy s'avança et lui passa une main autour du cou. Elle se mit à califourchon sur elle et la força à rester allongée sur le tapis. Un petit sourire illuminait son visage.

Kennedy relacha son emprise et se mit debout, offrant sa main à Lynn. Celle-ci l'accepta, se remit sur pieds et se massa inconsciemment le cou. "C'était baclé," estima Kennedy. "Ne mettez pas toutes vos forces dans un mouvement qui vous laisse sans défense, surtout lorsque vous êtes loin de votre attaquant. Ma grand-mère l'aurait vu arriver, et elle est aveugle depuis 96." Lynn acquiesça tout en se massant le cou et en essayant de récupérer sa dignité qu'elle avait perdu sur le tapis.

Kennedy ouvrit sa bouche pour dire quelque chose d'autre, mais son attention fut dirigée vers un homme élégant habillé d'un costume trois pièces, debout sur le côté, observant la classe d'entraînement avec une attention profonde. Il vit que Kennedy l'avait remarqué et lui sourit, l'encourageant d'un mouvement de la tête à continuer son cours. Au lieu de cela, elle fronça les sourcils et regarda Lynn. "Va rejoindre Xue et Martha," dit-elle. "Je reviens dans un instant."

Sûre que ses ordres seraient écoutés, Kennedy avança à grandes enjambées vers l'homme en face d'elle. "Kennedy," l'accueilla-t-il chaleureusement, avec un léger accent britannique. "C'était impressionnant. Est-ce que la classe se débrouille bien ?" "Qu'est-ce que vous faites ici ?" répondit-elle en croisant les bras. "Hum... Je regarde." "Je crois que j'aurais dû le deviner. Qu'est-ce qu'un Observateur peut-il faire d'autre ?" demanda-t-elle, presque à elle-même. Le visage de l'Observateur arbora un véritable sourire loufoque tandis qu'il éclatait de rire. "Oui, je suppose que c'est ce qu'on attend d'eux." Kennedy roula des yeux, pas inquiète par le fait de montrer son désintérêt pour la conversation, et se dirigea vers une pile de tapis près d'un mur. Elle saisit une serviette posée dessus, s'essuya le visage et la nuque avant de prendre une bouteille d'eau dans la glacière. Elle se tourna et tomba nez-à-nez avec l'Observateur. "L'espace individuel, Nate. C'est un tout nouveau concept. Réfléchissez-y." "Nathaniel, s'il vous plaît," corrigea-t-il en regardant Kennedy reculer de quelques pas pour se coller au mur. "Et je suis désolée si vous considérez ma présence ici comme une intrusion, mais..."

"Je considère ça une intrusion, parce que c'est une intrusion," Kennedy l'interrompit. "Enfin, je sais que vous faîtes votre travail..." Elle étudia l'Observateur de la tête aux pieds. "Même si je désapprouve votre travail. Mais la raison principale, c'est que je sais ce que je fais. Je n'ai pas besoin de baby-sitter penchée au-dessus de mon épaule pour me dire quel côté de l'épée est celui qui coupe."

Nathaniel se hérissa visiblement aux remarques de Kennedy, mais il parla d'une voix calme et posée. "Il est vrai que vous êtes douée. Personne ne dit le contraire. Mais vous êtes une nouvelle Tueuse, Kennedy. Vous avez eu vos pouvoirs en même temps que ces filles." Il leva les mains pour éviter que Kennedy ne reprenne la parole. "Je sais que vous avez déjà été entraînée, que vous avez déjà eu un Observateur. Mais le fait d'avoir l'impression de tout savoir, d'avoir tout appris, montre clairement que ce n'est pas le cas." Kennedy cessa de boire, le goulot de la bouteille toujours posé sur ses lèvres. Après quelques secondes, elle la baissa et regarda Nathaniel, les yeux plissés. "Et vous croyez que vous êtes celui qui va m'apprendre ?"

S'il se sentit intimidé par ce regard, il n'en montra aucune trace. "Je crois que nous avons beaucoup à apprendre l'un de l'autre, si seulement vous acceptiez." Ils se regardèrent dans les yeux pendant un moment, chacun ne voulant pas être le premier à détourner le regard. Puis, le visage de Kennedy se modifia, tout comme sa position. Elle haussa les épaules nonchalamment, but une dernière gorgée, referma la bouteille et la posa par terre. "Oh, à quoi bon ?" se résigna-t-elle, "ça pourrait être marrant."

Nathaniel cligna des yeux de surprise, étonné par ce revirement d'opinion. "Merveilleux ! Cela pourrait être une expérience très enrichissante pour nous deux." "Nous nous entraînons seulement, Nate, ne soyez pas si excité. De plus, je suis prise..." dit Kennedy en marchant vers le groupe de Tueuse qui continuait à se battre. Nathaniel la suivit rapidement tandis que Kennedy lui jetait un coup d'oeil par-dessus son épaule. "... Et vous n'êtes vraiment pas mon genre." "Très bien, écoutez-moi bande d'asticots !" cria Kennedy, demandant l'attention de tout le monde. "Changez de partenaires et préparez-vous à venir ici pour me montrer ce que vous savez faire."

Pendant que les Tueuses changeaient de partenaires, Kennedy se tourna vers Nathaniel. "Alors, par quoi on commence tous les deux ?" "Je pensais qu'on pourrait s'adresser à elles.... différemment," répondit l'Observateur. "Des asticots ?" répéta-t-il, incrédule. "Oh, oui, je sens que ce truc d'Observateur va être vraiment enrichissant."

La sonnerie qui annonçait l'heure du déjeuner résonnait encore, un peu noyée par les rires et les bavardages des élèves du lycée de Trillium. Dawn et deux autres filles réussirent à s'échapper du groupe d'élèves et se dirigèrent vers l'un des bancs parsemés sur la pelouse du parc. Elles posèrent leurs sacs à dos et leurs livres sur la table en bois à côté. "Alors, je suis 'pharmaceutique', comme si je voulais devenir un dealer de drogue !" se plaignit Jackie, une moue de dégoût sur le visage. Elle secoua la tête, remuant ses cheveux roux et se pencha pour attraper une bouteille dans son sac. "Non, mais sincèrement, vous me voyez enfermée dans un laboratoire ou en train de vendre du Xanex et du Viagra tous les jours ? Non, merci."

Brenda finit de déballer son sandwich et leva la tête. "Mes parents n'ont pas encore commencé," dit-elle de sa voix calme. "Mais ma mère rapporte des catalogues d'universités et tout le bazar, donc je pense que la conversation aura bientôt lieu." Ouvrant sa bouteille de Coca, Dawn hocha la tête. "Je ne suis pas sûre de ce que je veux faire non plus. Je veux dire, la réponse évidente serait des recherches, mais...", elle s'interrompit en voyant la tête de ses deux copines. Elles avaient l'air horrifiées. "Ca semble très ennuyeux, je sais, mais vous seriez surprises," ajouta Dawn. "Les quelques textes que j'ai lu.... Enfin, disons que Stephen King pourrait écrire cinquante livres cette année en consultant seulement un des volumes de Giles," finit-elle, une pointe d'amusement dans la voix.

Ses amies ne partagèrent pas son enthousiasme. "Chercheuse ? Ouuh..." trembla Jackie. "Je croyais que la prochaine étape après le diplôme, c'était de s'enfuir de l'école, pas de t'obliger à faire des devoirs perpétuellement."

"Honnêtement, ce n'est pas si horrible," affirma Dawn, essayant de persuader ses amies sans clairement leur montrer qu'elle essayait de les persuader. Une pensée lui traversa l'esprit, elle roula des yeux. "De plus, c'est mieux que ce que fait ma flemmarde de grande soeur. Elle nous a quitté pour partir errer en Europe, pour Dieu sait combien de temps." "En Europe ? C'est trop cool !" s'exclama Brenda toute joyeuse tandis que Dawn s'étonnait de sa réaction.

Jackie lui fit écho avec autant d'enthousiasme. "C'est clair ! Le frère de Christina a fait la même chose. Il est parti pendant à peu près six mois, et quand il est revenu, il était beau, il avait pleins d'histoires à raconter et avait des amis un peu partout dans le monde. C'est une sorte d'expérience de vie, vous voyez. C'est de ça que je veux parler." Elle enpoigna un Cheeto devant ses amies. "La vie, c'est pas centrée autour de l'école, c'est pas t'entourer de trucs chiants et de vieux livres poussiéreux dont plus personne s'intéresse. C'est juste vivre." Elle prit une lampée de Coca dans la bouteille de Dawn, se sentant très fière d'elle après l'importante déclaration qu'elle avait faite.

"Peut-être qu'on devrait faire ça après notre diplôme", suggéra Brenda. "Oui, pourquoi pas !" dit Jackie, une lueur d'excitation dans les yeux. Mais elle se calma rapidement quand une pensée désagréable revint à sa mémoire. "Est-ce que vous me voyez dire ça à mon père ? Je crois que sa tête exploserait. Et il me prescrirait du Paxil ou quelque chose." Elle roula des yeux en pensant au manque d'ouverture d'esprit de la part de tous les parents.

Ses amies acquiéscèrent avec compassion. Brenda mordit à nouveau dans son sandwich et regarda Dawn sortir une montagne de nourriture de son sac à dos. Ses yeux furent cependant attirés par une petite poche de couleur violette entourée par une fine ficette rouge. "Hé, Dawn, qu'est-ce que c'est ?" demanda-t-elle, en montrant la poche du doigt. Dawn se pencha car une pile de livres lui bloquaient la vue. "Oh, c'est quelque chose que ma..." Son "ma" dura plusieurs secondes car elle cherchait un mot pour qualifier sa relation avec la sorcière. Elle haussa les épaules quand elle trouva l'expression adéquate. "Quelque chose que Willow m'a donné. C'est une protection."

"Une protection ?" s'enquit Jackie, les sourcils levés. "Oui. Quelques herbes et un peu de..." Dawn remua ses doigts. "Rien d'important, vraiment," ajouta-t-elle sur un ton presque un peu rude. Les yeux de Brenda s'agrandirent et elle se rapprocha de Dawn en baissant la voix pour lui murmurer : "De la magie ?"

Dawn haussa à nouveau les épaules. "Quelque chose comme ça. C'est plus terreux qu'autre chose cependant." Elle se tourna vers son déjeuner, oubliant vite la pochette, ne voyant pas ce qu'elle avait d'extraordinaire. Ses amies ne partageaient visiblement pas sa nonchalance. "Whaou !" soupira Brenda, remplie de respect tandis qu'elle se rasseyait.

Jackie le prit plus calmement, mais était aussi très impressionnée. "De la magie. Dawn, tu as la famille la plus cool du monde," dit-elle en la regardant sérieusement. "Pourquoi tu veux t'enfermer avec des livres et faire des recherches alors que tu as ces gens vachement intéressants autour de toi?"

La jeune fille secoua la tête, montrant son incompréhension vis-à-vis des choix de Dawn, et lui piqua encore un peu de Coca. Dawn regarda Jackie un instant avant de baisser le regard, trouvant rapidement son sandwich au beurre de cacahuète plus fascinant.

Je vais prendre le saumon grillé et les patates sautées," dit Robin Wood en pliant son menu pour le rendre à sa serveuse. Giles fit de même avec son menu. "Fish and chips, s'il vous plaît." Il regarda l'expression amusée de Robin et tint à ajouter : "J'ai l'impression que c'est mon devoir de faire perdurer le stéréotype."

"Tant que vous le faites sans manger d'organes internes qui n'ont jamais été fait pour être mangés, je vous soutiens," répondit Robin en souriant. Tandis que la serveuse partait vers les cuisines, un silence amical s'installa entre eux deux. Ils arrangèrent leurs couverts et enlevèrent les plis de la nappe. Giles but une gorgée d'eau pour humidifier sa gorge.

"Comment s'est passé le vol ?" finit-il par demander. "Agité et sans cacahuètes. Ca ne me ferait rien de dormir pendant quelques jours dans un vrai lit, laissez-moi vous le dire." Giles hocha la tête. "Mais le voyage était bon," continua Wood. "Je crois qu'elle va nous rejoindre."

"Parfait." Les deux hommes se regardèrent et remercièrent la serveuse qui déposait un papier avec du pain sur la table. Giles en prit un, le posa sur son assiette, mais l'abandonna là alors qu'il reprenait la conversation. "Le rapport de forces entre les Observateurs et les Tueuses manque déséspérement d'équilibre. Nous avons déjà eu du mal à trouver la plupart des Observateurs. Certains d'entre eux ont trois Tueuses, ce qui est loin d'être idéal." Il posa ses lunettes et les essuya avec un mouchoir provenant de sa poche de veste. "Je ne sais pas ce que nous allons faire si nous n'avons pas plus d'Observateurs bientôt."

Wood prit lui aussi un bout de pain et regarda Giles. "Vous auriez voulu que Willow puisse débloquer des Observateurs potentiels pendant qu'elle était occupée à changer le monde, n'est-ce pas? Vous savez, ce besoin spirituel profond pour l'entraînement, l'organisation, le thé... doit bien être présent dans beaucoup de personnes !" Il rit en mordant dans son pain.

"Ah oui.... le rôle de ma vie se réduit à ça," remarqua Giles. Il vérifia la propreté de ses lunettes et les remit sur le nez. "J'espère que vous n'avez pas utilisé une version aussi concentrée quand vous avez parlé à Miss Newbury." Robin acquiésça avec joie. "Ne vous inquiétez pas. J'ai souligné le côté dangereux et j'ai employé le mot 'mort'."

"Je suis sûr qu'elles vont se précipiter en masse à nos portes," dit Giles, sans être sarcastique. Tendant la main pour atteindre son verre d'eau, l'Observateur fit le tour du verre avec son doigt. "Et comment ça s'est passé sinon ?" demanda-t-il. "Rien d'intéressant ?" "Pas vraiment. C'était une ville moyenne," répondit Wood. Puis, il réfléchit un peu plus à la question de Giles et fronça les sourcils. "Vous attendiez-vous à quelque chose d'autre ?" Giles secoua la tête, mais son visage était inquiet. "Non, non... C'est juste que..." Il s'interrompit pour rassembler ses pensées. "Cela faisait des siècles que ce monde n'avait pas été soumis à la magie que Willow a utilisé pour débloquer le pouvoir de la faux. Et ce genre de pouvoir ne passe pas inaperçu. Et avec des Tueuses qui se réveillent un peu partout sur la planète... Il y en a tellement maintenant, enfin, façon de parler." Son visage s'aggrava encore. "Une véritable armée de Tueuses. Peu pourront leur résister." Wood se recula un peu et s'enfonça dans sa chaise. "Ce qui est bien, n'est-ce pas ? Je veux dire, je sais que je me sentirais plus en sécurité en combattant le Mal avec un peloton de Tueuses derrière moi," ajouta-t-il plein d'espoir.

"Si nous arrivons à convaincre toutes les Tueuses dans le monde de rejoindre notre cause, je suis d'accord avec vous de tout coeur. Cependant, l'expérience nous a montré que toutes les Tueuses n'ont pas ce sens altruiste." Giles se caressa les cheveux et ses yeux se perdirent dans le vide. "Je me demande... combien de temps cela va prendre avant que quelqu'un d'autre le réalise..." chapître 2 :

Faith arrêta sa moto devant une maison qui semblait différente des autres alentour. Déjà, la porte du garage était bleue au lieu de jaune crème, et la porte d'entrée était à droite de la fenêtre et non à gauche. Tout cela manquait tellement d'inventivité et de goût que Faith roula des yeux. Elle stoppa le moteur de l'engin et baissa le cale-pieds tout en s'étirant pour calmer les courbatures de son dos. Après un rapide coup d'oeil au papier qu'elle tenait dans la main, Faith s'avança rapidement vers la porte et sonna. Elle ne reconnut pas la mélodie élaborée qui résonna dans la maison. Et ça ne la dérangea guère. La porte s'ouvrit doucement et laissa place à une jeune fille aux yeux bleus et aux cheveux chatains clairs longs jusqu'aux épaules. Ceux-ci semblaient perpétuellement embrouillés. La jeune fille cligna des yeux, apparemment surprise par l'accoutrement en cuir de Faith, qui faisait un peu tâche dans ce quartier désert.

"Hazel MacFadden ?" demanda Faith, la voix rauque et dure. Hazel écarquilla les yeux. "Oui ?" "Salut ! Je suis Faith. Je t'ai parlé au téléphone la nuit dernière." Le visage de Hazel s'éclaira soudain et toute trace de nervosité disparut. "Ah oui !"s'exclama-t-elle très excitée. "Ouais, salut! Salut ! Humm... salut," finit-elle maladroitement.

"Je pense qu'on s'est échangé assez de 'salut'", rit Faith amusée. "Est-ce que je peux entrer ?" "Oh mon Dieu, oui ! Entre !" Hazel sauta en arrière pour libérer le passage et fit un signe pour laisser entrer Faith. Elle secoua la tête. "Désolée. Je suis juste.... Enfin, c'est si bizarre. Je suis à cran depuis que tu as appelé." Elle ferma la porte derrière elles et conduisit Faith jusque dans le salon, en balançant les bras le long de son corps, ne sachant pas trop quoi faire d'autre.

"Je comprends bien," dit Faith en haussant les épaules. Elle regarda la pièce et admira le plafond voûté et l'espace qu'il dégageait. "Jolie maison," complimenta-t-elle. Hazel regarda aussi autour d'elle. "Merci. J'ai vécu ici toute ma vie." Le visage de la jeune fille s'adoucit. "J'adore cette maison. Je m'y sens protégée et en sécurité. Comme si rien d'étranger ne pouvait entrer ici, tu vois ?" Pourtant, son regard s'assombrit et elle enveloppa son corps avec ses bras, comme si elle sentait un courant d'air frais. "Je m'y sentais protégée. Ce n'est plus le cas à présent."

"Quand est-ce que ça a changé ?" demanda Faith calmement. Elle ne répondit pas tout de suite mais caressa ses bras avec ses mains. "Quand j'ai arraché la porte de ma chambre de ses charnières," murmura Hazel d'une voix si basse que Faith ne l'aurait pas entendue si elle n'avait pas l'ouie développée des Tueuses. Faith observa Hazel quelques instants et sembla arriver à une décision. "Je n'ai jamais eu d'endroit sûr", dit-elle en se déplaçant dans la pièce. "Je n'ai jamais aimé être attachée à un endroit trop longtemps." La Tueuse s'arrêta et jeta un coup d'oeil vers Hazel. "Cependant, j'ai trouvé un endroit maintenant. C'est un bon endroit." Elle s'immobilisa au centre de la pièce et fixa Hazel. "Pour les gens comme toi et moi." Un silence de compréhension s'installa et Hazel baissa les bras. "Quand tu as appelé, ce que tu m'as dit..." commença-t-elle. "Comment savais-tu ? Je veux dire, personne ne le sait. Même pas mes parents."

"Comment as-tu expliqué l'histoire de la porte ?" Hazel remua les pieds, visiblement embarassée. "Je leur ai dit que j'avais trébuché et que j'étais tombé dedans. Ils... Ils ont trouvé ça étrange, mais ils n'ont pas vraiment posé de questions." Elle sourit quand elle vit Faith rigoler, mais redevint vite sérieuse. "Mais tu sais.... A propos de la force et de la vitesse. Et le fait que j'ai tout le temps faim." "Oh ouais, tu vas oublier le menu à 99 cents de chez Wendy's, je peux te le dire," lui dit Faith en examinant les babioles posées sur la cheminée. Elle s'arrêta et se tourna vers Hazel. "Je sais qu'il y a des choses bizarres que se passent en toi, Hazel. Je le sais, car je suis passée par là."

La jeune fille fronça les sourcils. "Toi et moi, Haze ? Nous sommes des supers héros." Hazel écarquilla les yeux. "Ah ?"

Willow descendit les escaliers d'un pas énergique, tourna à droite et se dirigea vers le salon. "Hé ! Alex ?" appela-t-elle avant même de voir son ami, mais sachant où il était en entendant le bruit de la télévision. Il était effectivement avachi sur un des fauteuils, une bouteille ouverte dans une main et la télécommande dans l'autre.

"Je vais devenir dingue à rester ici enfermée. J'avais pensé aller au centre commercial, comme ça je serais... enfermée... dans le centre commercial." Willow fronça les sourcils face à son manque de logique, mais sourit soudain quand elle trouva une justification parfaite. "Oh, mais ils ont des lampes qui imitent la lumière du soleil et des arbres, donc c'est comme un extérieur artificiel !" se réjouit-elle devant Alex.

Il ne la regarda même pas. "Non, je pense que je vais juste rester ici." Willow s'avança pour se placer en face d'Alex, sans cacher la télévision cependant. "Allez, viens ! Ca va être marrant ! Il y a un marchand de bretzels délicieux !" dit-elle d'une voix chantante. "On peut même prendre cette sauce au fromage bien trop orange qu'on trouve seulement dans la nourriture des centres commerciaux."

Alex détourna finalement son regard de la télévision et sourit avec sincérité à Willow, même s'il semblait ailleurs. "Tentant, cependant mon colon pourrait penser autrement, donc, je vais m'en passer. Oprah a invité le docteur Phil, et tu sais à quel point ce genre de rencontres est rare à la télé."

Willow lui jeta un regard contrarié. "Tu me rejètes pour regarder des talks-shows ?" Elle mit la main sur son coeur d'une façon dramatique. "La seconde où tu préfères Jerry Springer à moi, je te quitte." "Oh, Will... Tu sais que je te préfèrerais toujours à ces prostituées nazies transsexuelles." Son ton était rieur, mais plat, et avec un sourire triste il tourna la tête vers le poste de télévision.

Toute trace d'humour disparut du visage de Willow et fut remplacé par de l'inquiètude. "Voyons, Alex. Tu as besoin de sortir plus. Tu passes pratiquement toute la journée assis devant la télé," dit-elle en faisant des gestes vers l'objet en question. "Même Discovery Channel n'est pas bonne pour toi." "Ouais, mais je peux désormais tout t'expliquer si jamais tu voulais contruire une voiture avec la carcasse d'une Mercedes, un chalumeau, une tondeuse à gazon et un synthétiseur," dit-il automatiquement.

Elle s'avança et lui prit le bras. Alex la regarda, son seul oeil se connectant avec les deux siens pendant un instant avant qu'il ne regardât de nouveau vers les images sur l'écran. "Je sais que tu te sens un peu... mal fichu depuis Sunnydale, mais..." "'Mal fichu' n'est pas le terme exact," répondit-il avec amertume avant de boire une gorgée dans la bouteille.

"Je... je sais, et je comprends, vraiment," lui dit Willow gentiment. "Mais tu ne peux pas passer ta vie à perdre ton temps ici. Ca fait du mal, mais il y a des gens autour de toi qui t'aiment et qui veulent t'aider. Est-ce que tu crois qu'Anya voudrait...." "Hé, quand tu iras au centre commercial, est-ce que tu penses que tu peux t'arrêter à Suncoast et récupérer "Bulletproof Monk" pour moi ? Je l'ai commandé et je crois qu'il devrait être arrivé maintenant." La voix d'Alex était redevenue joyeuse, comme à son habitude. Mais aucun des deux n'était dupe.

Willow soupira profondément et s'éloigna, laissant là leur conversation. Jusqu'à la prochaine fois. "Ok," dit-elle. "Je reviens dans quelques heures."

"Et ceci," fit Andrew avec un grand geste théâtral et d'une voix importante, "est mon domaine. La cuisine." Suivant Andrew dans la pièce, Judith fit l'effort de paraître impressionnée. Elle ne réussit pas tellement, mais Andrew était si absorbé qu'il ne remarqua rien. "Je suis le maître et le seigneur de..."

En voyant un pot de beurre de cacahète ouvert, tout son discours s'effondra. "Hé !" grimaça-t-il en se donnant une claque sur la cuisse. Il prit le pot et l'approcha de ses yeux et le secoua comme si c'était lui qui était à blamer. "Je ne demande qu'une seule chose, une seule toute petite chose. De nettoyer après vous être servis. Comme si j'avais rien de mieux à faire de mon temps !"

Andrew referma le pot avec le couvercle et regarda Judith. "D'accord, peut-être que non, mais je ne crois pas que ce soit le plus important, n'est-ce pas ?" demanda-t-il à Judith. "Alors... tu es le cuisinier ?" s'enquit-elle, voulant changer de discussion. Acquièsçant avec une fierté immense, Andrew remit le pot de beurre de cacahuète dans un des placards contre le mur. "La préparation des repas est l'une de mes nombreuses occupations dans notre lutte contre le Mal," expliqua-t-il à la jeune fille blonde. "Et je... j'aide aussi Alex des fois, à construire des trucs." Judith leva les sourcils.

"... Quand il ne me chasse pas avec la scie électrique," Andrew ajouta rapidement et presque pour lui-même. Il fronça les sourcils et continua avec beaucoup de conviction. "Et j'aide Mr Giles à organiser les rendez-vous, les choses de ce genre quoi. Oh, et je fais aussi le thé !" Andrew saisit la boite de Twinings et fit un large sourire en caressant la boite avec ses doigts. "C'est sûr que ce sera un facteur décisif quand le Jugement dernier arrivera," se moqua Judith.

Le sourire d'Andrew s'immobilisa. Puis retomba quand il comprit ce qu'elle voulait dire. La nouvelle Tueuse étudia la cuisine et regarda à travers la grande fenêtre du mur du fond. Dehors, le temps était tranquille et ensoleillé. "Trillium, hein ?" demanda-t-elle enfin. "Ca me semble être une petite ville tranquille et endormie. Je n'arrive pas à imaginer qu'il y a tellement de choses maléfiques à combattre ici." Andrew reposa la boite de thé sur le comptoir et caressa l'épaule de Judith d'un air condescendant. "Tss-tss. Jeune et naïve Padawan," soupira-t-il avec nostalgie et en secouant la tête. "Tu as tant à apprendre."

Il se joignit le bout des doigts et commença à marcher d'un pas lent dans la cuisine, sans prêter attention au regard que Judith était en train de lui porter. Quand il parla, sa voix aurait pu rivaliser avec n'importe quelle voix off de documentaires. Au moins, dans son esprit.

"Trillium est vraiment un endroit fascinant. La ville est située bien au chaud au centre d'un triangle de trois Bouches de l'Enfer. Après ce malheureux incident à Sunnydale, notre bande intrépide d'aventuriers fidèles avait prévu de venir s'installer à Cleveland, dans l'Ohio. Cleveland, était, après Sunnydale, la ville avec la plus active Bouche de l'Enfer. Mais quand Buffy emmena son groupe de généraux en qui elle avait une totale confiance jusqu'à Cleveland, notre chère sorcière lesbienne redevenue gentille a détecté une puissante énergie, mais qui ne venait pas de cette Bouche de l'Enfer." Andrew s'interrompit pour intensifier l'aspect dramatique. Judith cligna des yeux. Il prolongea sa pause, se tourna et continua.

"Nos héros sans peur ont alors cherché d'où elle venait, ont suivi ce pouvoir ténébreux et sont arrivés ici, à Trillium. Ils ont découvert que l'énergie de la Bouche de l'Enfer de Cleveland était absorbée et mélangée avec le pouvoir de deux autres Bouches de l'Enfer proches, qui avaient gagné en puissance après la destruction de Sunnydale : une à Syracuse, dans l'état de New York et l'autre à Washington." Judith avait été occupée à tripoter une cuillère en bois dans ses mains, mais en entendant cela, elle s'arrêta et regarda Andrew, surprise. "Washington est sur une Bouche de l'Enfer ?"

"On doit admettre que tout prend son sens maintenant," répondit Andrew d'un ton neutre et plat. Judith réfléchit un moment et hocha la tête.

Andrew continua de marcher lentement comme s'il n'avait pas été interrompu. "Réalisant que ce nexus d'énergies avait le potentiel de devenir encore plus instable que n'importe quelle autre Bouche de l'Enfer, Buffy et compagnie élirent Trillium comme quartier général. Nous sommes à quatre heures, ou presque, de chacune des trois Bouches de l'Enfer, ce qui rend plus facile la tâche de disperser des Tueuses là où il y a besoin. Nous avons des écoles performantes pour que les nouvelles Tueuses continuent leur éducation. De plus", dit-il en grimaçant, "le constant afflux d'énergies maléfiques a fait sensiblement baissé les prix immobiliers, donc nous avons pu acheter pas mal de choses du Slayer Central bon marché."

"Donc", commença Judith qui voulait résumer les choses avec ses mots, "c'est une sorte de Triangle des Bermudes du Mal." Andrew claqua des mains et la regarda avec joie. "Exactement !" "Oh, oh. On dirait que tu lui plais. Il ne va plus te lâcher maintenant," dit Kennedy en entrant dans la cuisine et en ignorant le regard blessé d'Andrew. Elle jeta un coup d'oeil sur le comptoir et gémit. "Hé ! Où est passé le beurre de cacahuète ?" Sa machoire bougea de haut en bas, mais Andrew fut incapable de prononcer un son. Si Kennedy le vit, elle ne fit aucune remarque et passa derrière lui pour prendre le pot de beurre de cacahuète et un paquet de crackers dans le placard. Elle ouvrit le pot et plongea un cracker directement dedans. Les yeux d'Andrew s'écarquillèrent. "Donc," dit Kennedy en remuant le cracker dans la direction de Judith avant de le mettre dans sa bouche, "tu es nouvelle."

"Ouais, je suis arrivée aujourd'hui. Judith." Elle offrit sa main à Kennedy qui la serra et prit un autre cracker. "Andrew me fait visiter," dit Judith en souriant à Andrew, qui était partagé entre lui rendre son sourire ou continuer à regarder d'un mauvais oeil l'autre Tueuse. Il essaya de faire les deux sans vraiment réussir. "Pauvre petite", dit Kennedy en machouillant son biscuit. "Tu as visité la salle de loisirs ou pas ?"

En jetant un coup d'oeil rapide à Andrew, Judith dit avec un sourire en coin. "Non, mais j'en ai déjà beaucoup entendu parler." Comme si elle venait de prendre une décision, Kennedy posa la nourriture sur le côté. "Je t'y emmène," annonça-t-elle. "Si tu y vas avec Andrew, tu pourrais être tentée de t'empaler sur une queue de billard juste pour échapper à la douleur." "Hé !" se plaignit Andrew d'un air vraiment indigné et retrouvant soudain sa vraie voix. "D'autre part," marmonna Kennedy presque pour elle et sans tenir compte de l'interruption d'Andrew, "je dois développer d'autres talents. J'ai besoin d'élargir mes capacités, ou quelque chose dans ce genre." Elle sauta du comptoir où elle s'était assise, essaya les miettes de crackers sur son jean et son T-shirt qui tombèrent sur le sol et sortit. Le visage d'Andrew commença à devenir rouge tandis qu'il regardait les miettes sur le sol et le désordre laissé par Kennedy sur le comptoir.

La nouvelle Tueuse n'avait pas bougé, elle semblait ne pas savoir qui suivre. Kennedy refit son apparition à la porte et regarda Judith. "Allez, viens," dit-elle. "A moins que tu veuilles écouter toutes les raisons qui font que Star Trek 5 est sous-estimé." "Il l'est !" s'exclama Andrew en agitant le torchon dans les airs. "Le face-à-face entre Kirk et Dieu était une métaphore brillante de la science remplaçant la foi aveugle, et Sybok..." "J'arrive," dit Judith sans hésiter. Elle suivit Kennedy, mais se tourna vers Andrew avec un sourire. "Merci pour la visite. J'ai beaucoup appris."

Andrew resta près du comptoir et les regarda partir. "J'ai pas dit qu'il était meilleur que 'Wrath of Khan', bon sang," se plaignit-il dans la pièce devenue déserte. Avec un soupir, il commença d'essuyer le comptoir et remit à nouveau le pot de beurre de cacahuète dans le placard.

Hazel secoua la tête à Faith et s'approcha d'elle, comme si la proximité pouvait lui apporter plus de clarté. "Quoi ? Des supers héros ? Tu veux dire, comme les X-Men ou les Fantastic Four ?" "Je les connais pas ceux-là," répondit Faith, "il faudra que tu demandes à Alex. Mais ouais, de vrais supers héros."

Les yeux de Hazel brillaient lorsqu'elle dit d'un ton confidentiel : "Est-ce qu'on doit porter des costumes et avoir des noms de code, des trucs comme ça ?" "Mon Dieu, non !" répliqua Faith en riant.

L'enthousiasme de Hazel sembla diminuer. "Oh," dit-elle, visiblement déçue. "Mais il y a notre lutte contre le Mal, et ça, c'est pas rien." "Oh !" s'exclama Hazel qui avait retrouvé sa gaieté.

"Et c'est pour ça que je suis là," continua Faith, en sentant que le moment était venu. "Tu vois, au départ, il n'y en avait qu'une." Elle s'arrêta et reconsidéra sa phrase. "Euh... en fait, non, deux, on était deux, mais l'une était la prima donna, un parfait petit ange que tout le monde aimait et qui..." Faith se rattrapa et fit un geste de la main, comme pour effacer le bout de phrase de trop. "Peu importe. Il y en avait deux, et aujourd'hui, il y en a pleins et elles n'ont aucun indice de ce qui est en train de leur arriver. Donc, on a fondé cet endroit où tu peux venir apprendre, vivre et t'entraîner à tuer des vampires, des démons, et d'autres créatures."

"Tu vois, c'est comme les X-Men avec..." Hazel écarquilla les yeux. "Tuer quoi ?" "Des vampires et des démons," répéta Faith sur le même ton. Hazel avait le regard toujours aussi incrédule. "Des vampires," dit Faith doucement, espérant que Hazel la comprenne cette fois.

La jeune fille croisa les bras et fixa Faith. "Sors d'ici," dit-elle. "Non, je ne peux pas." "Des vampires." Hazel regarda fixement Faith en croyant que tout ce qu'elle lui racontait n'était en fait qu'une blague. "Des vampires suceurs de sang, avec des crocs, qui détestent l'ail et qui sont inspirés d'Anne Rice." Ne voyant pas le côté ironique de la chose, Faith répondit seulement : "Ouais." "Sors d'ici," lui répéta-t-elle.

Faith était abasourdie. "Quel est le problème ? Tu acceptes que tu es un super héros. Tu sais que tu peux détruire des bouts de ta maison seulement avec tes mains. Pourquoi est-ce si difficile de croire que tu as eu tes pouvoirs pour réduire en poussière le rêve de toutes les jeunes filles gothiques ?"

Les bras toujours croisés, Hazel haussa les épaules. Avec un soupir exaspéré, Faith commença à se parler à elle-même. "C'est toujours à cet endroit que je les perds. Je devrais voyager avec un vampire qui ferait des démonstrations."

Elle se tourna vers Hazel. "Ok, tu ne me crois pas. C'est ton choix, je le respecte. Mais j'ai quelque chose à te montrer. Ca pourrait peut-être te faire voir le monde un peu différemment."

Un des sourcils de Hazel se leva et elle regarda la Tueuse avec méfiance. "Ok," lâcha-t-elle. "Ce soir," dit Faith. "Je reviens ici, vers huit heures. Sois prête." "Prête pour quoi ?" Faith la regarda avec le plus de sérieux possible. "Ta vie va changer."

La porte de la maison des Scoobies s'ouvrit en grand et Willow entra avec plusieurs sacs dans les mains. Elle donna un coup de pied pour fermer la porte et parla toute seule, ne voyant personne à l'horizon. "C'est tellement mieux... Personne pour contribuer à la quête sans fin de notre nation pour les biens matériels qui font notre vrai bonheur." Suivant les sons de la télévision, Willow se dirigea maladroitement vers le salon. Elle y trouva Alex toujours avachi dans le fauteuil, dans la même position où elle l'avait laissé. Regardant autour d'elle, elle aperçut la collection de bouteilles de bière vides éparpillées sur la table basse et fronça les sourcils d'inquiétude. Elle reposa les yeux sur Alex qui n'avait même pas salué son retour. Avec une profonde inspiration, Willow tenta de se calmer.

"J'ai ton film," dit-elle en sortant le DVD de l'un des sacs pour le donner à Alex. Il tendit sa main pour le prendre, mais Willow le ramena vers elle et examina la couverture avec beaucoup d'intérêt. "J'ai entendu dire par des gens connaisseurs que Chow Yun-Fat se bat contre des gens dans celui-là, donc ça devrait excitant et... nouveau. C'est bien qu'ils lui donnent tant de roles différents."

Elle regarda Alex avec espoir. Il continua cependant de fixer la télévion. Elle mit la main dans un des sacs et en sortit un autre DVD. "J'ai aussi acheté 'Dracula 2000', parce que, je me suis dit, qui peut résister à une bonne comédie ?" Elle jeta un autre coup d'oeil vers son ami. Rien. Son visage se décomposa, mais reprit vite un air déterminé. "Et puis," dit-elle en prenant une voix de séductrice, "je me suis arrêtée à Victoria's Secret et j'ai pris quelques trucs brillants et sexy pour moi et Kennedy. Tu veux voir ?"

Willow regarda Alex en quête de signes de vie de sa part. N'en voyant aucun, elle s'agenouilla à côté d'Alex, laissant tomber les paquets. Elle enleva la télécommande de la main de son ami et mit sa main dans la sienne. "Alex," dit-elle en serrant légèrement. Il se tourna et la regarda dans les yeux avec un regard si triste que Willow sentit des larmes lui monter aux yeux. "Alex," répéta-t-elle. "Je sais combien tu es blessé. Et je veux t'aider." Willow lui serra encore la main et le regarda avec un air implorant. "S'il te plait. Ces sautes d'humeurs, la télé, l'alcool... Je suis inquiète pour toi. Ca ne peut pas continuer."

Alex regarda Willow pendant un long moment. Il prit finalement une profonde inspiration et ferma son oeil. "Tu as raison. Ca ne peut pas continuer." Willow se sentit soudain soulagée et ses traits se décrispèrent. Il ouvrit son oeil et rencontra les siens. "C'est pour ça que je m'en vais." Tout signe de soulagement disparut en une fraction de seconde. chapitre 3 :

"Tu quoi ?" La voix de Willow était remplie de toutes sortes d'émotions et il était difficile de dire laquelle l'emportait. Alex soupira et rejeta la main de son amie. "J'y ai beaucoup réfléchi," commença-t-il en baissant le regard. "Etre ici, se souvenir... C'est trop." Willow regarda Alex, les yeux remplis de larmes. "Alors... Alors tu préfèrerais être à un autre endroit pour te souvenir ? Parce qu'il te faut plus qu'un changement de décor pour arrêter de te souvenir ?"

"J'ai juste..." L'ouverture rapide de la porte coupa net à la conversation. Ils se regardèrent après un sursaut. "Bonjour !" dit Giles.

En comprenant qui c'était, Willow se leva et marcha vers le hall d'entrée. Giles lui sourit quand il la vit et s'avança en saluant également Alex qu'il aperçut dans le fauteuil. "Giles !" s'exclama Alex avec beaucoup d'enthousiasme, sans rien faire paraître de son humeur sombre. "Quel timing épatant ! J'applaudis votre entrée comme si vous étiez notre voisin anglais farfelu !" Il s'arrêta et ajouta juste après. "Oh, hé ! Vous l'êtes !" "Oui, j'attends à ce qu'on m'installe une puce qui me fasse rire à tes blagues," répondit Giles d'un ton désinvolte.

Willow ne pouvait s'empêcher de regarder Alex avec des yeux inquiets et grands ouverts. Elle se tourna vers Giles, impatiente d'inquiéter quelqu'un d'autre. "Alex était justement...." Alex sauta soudain sur ses pieds et l'interrompit. "Je disais à Willow que je pensais à personnaliser mon bandeau. Je pourrais en faire toute une série." Il gesticula en montrant son oeil manquant. "Vous savez, un pour chaque jour de la semaine, ou peut-être un avec des yeux et un sourire ?" Alex hocha la tête, comme s'il aimait cette idée. "Des bandeaux selon mon humeur."

Willow ne savait pas qu'elle était capable d'ouvrir les yeux aussi grands, mais elle y parvint quand même. Elle fixait Alex et n'était pas certaine de ce qu'elle pouvait lui dire, mais il lui jeta un regard implorant qui indiquait clairement : "pas maintenant". Alors, elle fronça les sourcils et acquiésça contré son gré. Giles ne remarqua pas cet échange de sentiments. Il essayait de trouver une réponse aux commentaires d'Alex. "Eh bien.... Je.... Si tu veux... différents bandeaux pour ton oeil, nous... nous pouvons certainement... euh... chercher des dessins et..." Alex le coupa, tirant Giles d'une situation embarassante. "Rassurez-vous, Giles," dit-il en souriant. "Pour l'instant, je vais me contenter du bandeau noir basique. Simple, mais élégant."

Pendant une minute, Giles sembla vouloir poursuivre cette étrange conversation, mais il se tourna finalement vers Willow en se souvenant de l'objet de sa visite. "Je voulais venir ici pour confirmer notre session d'entrainement la semaine prochaine," dit-il.

"D'accord," confirma Willow en tentant de paraître gaie. "Je serais là avec les sonnettes et les sifflets. Enfin, vous savez, pas littéralement, parce que c'est... bruyant." L'Observateur parut troublé par sa plaisanterie. "C'est extrêmement important que nous reprenions un emploi du temps régulier," la persuada-t-il. "Tes pouvoirs sont toujours inexplorés et, imprévisibles on va dire. Nous ne savons toujours pas les effets que le réveil de toutes les Tueuses a eu sur toi. C'est vital que nous..."

"Giles, je sais," coupa Willow, comprenant ce qui était au coeur de cette mini-tirade. "Je fais très attention à ça. A 110% on pourrait dire. J'ai lu la colonne 'Comprendre et contrôler ses pouvoirs' des dizaines de fois. Je suis rétablie," le rassura-t-elle. Il regarda Willow fixement pendant un moment avant de lui jeter un regard embarassé. "Désolé. Il semble que je ne fais que des discours dramatiques de ce temps". "Peut-être que Buffy était contagieuse," dit Alex.

Giles fut horrifié. "Mon Dieu ! Si jamais mon cas devient aussi sérieux, je vous donne la permission de me donner un grand coup derrière la tête." La réaction fut instantannée et leur donna l'espoir de réaliser cette permission un jour. "Est-ce que je peux mettre ça sur écrit ?" demanda Alex en riant. Giles lança un regard d'avertissement mais sourit tout de suite après. Une atmosphère de familiarité confortable s'installa dans la pièce. "Comment vont les choses ici ? Aucun problème ?" s'enquit-il.

Les yeux de Willow se dirigèrent rapidement vers Alex qui la fixa avec la même expression de désespoir que précédemment. "Rien que nous ne puissions gérer," répondit-elle finalement. Ayant remarqué leur échange silencieux, Giles les regarda afin de clarifier la situation, mais n'y parvint pas. "Excellent", dit-il, ne voulant pas avouer qu'il trouvait qu'il y avait quelque chose qui n'allait pas. "Et Dawn ?" "Elle reparle encore de cette histoire de permis," soupira Willow. Le teint de Giles se fit soudain plus pâle.

"Il y a des moments où je suis reconnaissant de mon manque de perception des choses. Je me déclare incapable de remplir le devoir d'apprendre à la petite Dawn à conduire," annonça Alex. "Ca ne me semble pas très juste," protesta Giles. "Dites-ça à mon bandeau." L'Observateur roula des yeux. "Oui, bien, je suppose que nous traiterons ce problème terrible quand il arrivera. Pour l'instant, je dois partir. Nous avons apporté une nouvelle Tueuse aujourd'hui, et je veux être certain que les choses se déroulent bien." Willow tapa des mains dans l'air, incapable de contrôler son excitation. "Oh ! Oh ! Est-ce que vous avez utilisez le discours 'vous avez le choix'"? demanda-t-elle. "C'est mon préféré."

"Euh... oui," répondit Giles rapidement, se sentant embarassé à nouveau. Alex s'en aperçut aussitôt et en profita. "Moi j'aimais mieux quand vous mettiez de la musique de fond. Je crois vraiment que vous auriez dû garder cette idée," se moqua-t-il. "Bien, si vous avez fini de rire de moi..." commença Giles. Alex fit un grand geste de la main en signe de désaccord. "Oh, nous n'oserions pas..." Giles lança à Alex un regard qui disait qu'il était au bout de sa patience et leur dit au revoir. Willow et Alex le saluèrent gaiement jusqu'à ce que la porte se soit refermée derrière l'Observateur. Willow se tourna alors vers Alex, le visage décidé, presque sévère. "Toi. Moi. Parler. Maintenant."

Tandis que les deux femmes arrivaient dans le hall d'entrée de l'établissement, Kennedy ouvrit en grand ses bras pour couvrir tout ce qu'elles avaient vu. "...ce qui nous ramène dans le hall," conclut-elle. "Est-ce que c'est tout ce que tu espérais ?" "Et tellement plus," rit Judith avec une dose requise de sarcasme.

Kennedy, amusée, fit un grand sourire. "Je sais que ça fait beaucoup d'un coup", dit-elle avec compassion. "Eh bien, la semaine dernière, je n'aurais jamais imaginé me retrouver dans cet endroit," concéda Judith. "Je suis impressionnée cependant. Ce qui m'arrive -- nous arrive -- est si... chaotique. Mais en venant ici, on dirait que c'est la chose la plus normale au monde. Des tueuses, des observateurs," dit-elle en s'avançant au centre de la pièce. "Cet endroit. Tout semble s'imbriquer parfaitement."

Elle haussa les sourcils quand Kennedy ricana. "Ouais, nous jouons tous dans une sorte de show." "Show ?" La Tueuse aînée fut surprise de réaliser qu'elle avait parler tout haut. "Eh bien..." hésita-t-elle, pas convaincue de vouloir continuer, mais elle haussa les épaules. "Ouais, je veux dire, on a les bases maintenant." Kennedy les compta sur ses doigts. "Un endroit pour s'entraîner, un endroit pour dormir, de la nourriture à manger. Giles s'est cassé le cul pendant des mois pour rendre tout ça semi-présentable. Mais il y a d'autres choses sous la surface," admit-elle. "Des règles et tout ce genre de trucs. En fait, j'en sais trop rien, je m'en occupe pas trop. J'écoute juste ce que Willow me dit. Elle travaille aussi dur que Giles maintenant." Son visage se couvrit de nuages un instant, mais ils se dissipèrent vite. "Je ne comprends pas trop ce qu'ils font, ça doit être vachement ennuyeux, mais je sais qu'ils stressent. Willow s'inquiète beaucoup en fait."

"Willow est... ?" commença de demander Judith. Le visage de Kennedy s'éclaira. "C'est ma petite amie." "Oh !" s'exclama Judith, momentanément déconcertée, mais recouvrant rapidement son sang-froid. "C'est cool," affirma-t-elle. "Est-elle un Observateur comme Giles ?" "C'est ce qu'on pourrait penser," grommella-t-elle. "Mais non, Willow est une sorcière. C'est à elle qu'il faut dire merci pour ta nouvelle vie," ajouta-t-elle en souriant. Judith était assez impressionnée. "Une seule personne a fait tout ça ?" Kennedy hocha la tête fièrement. "Elle doit être une sacrée fille !"

"Elle l'est," dit Kennedy. "Où est sa chambre ?" demanda Judith en regardant autour d'elle. "Je peux peut-être la rencontrer ?" "Elle n'est pas dans les dortoirs," expliqua-t-elle. "Nous habitons dans une maison pas très loin d'ici avec Alex, Dawn et techniquement, Buffy. Son emploi du temps est hyper chargé pour le moment et elle retourne à l'école dans quelques jours, mais elle adorerait te rencontrer. Je lui dirai de passer te voir."

"Super," dit Judith en rassemblant ses pensées. Après un petit moment, elle posa une question. "Et comment ça se passe avec les Observateurs ? Est-ce que je vais en avoir un ?" Kennedy s'appuya contre le chambranle d'une porte et chercha une position confortable. "Ouais, tu seras assignée à l'un d'eux dans quelques jours. Tu devras partager cependant. Il n'y a pas assez d'Observateurs pour l'instant, mais ils sont en train de chercher." Elle rit bêtement. "Et s'ils n'y arrivent pas, tu pourras toujours prendre le mien."

Judith haussa les sourcils et fixa Kennedy d'étonnement. "Tu as un Observateur ?" "Et j'en suis vraiment ravie," répondit Kennedy sarcastiquement. "Mais je croyais que tu étais toi-même un entraîneur ?" demanda la jeune fille, surprise. Le ton sarcastique de Kennedy se transforma en un ton rempli d'amertume. "Ouais," dit-elle. "C'est drôle comment ça marche, hein ?" "Est-ce que les autres entraîneurs de Tueuses ont des Observateurs ?" Kennedy secoua la tête et passa la main dans ses cheveux châtains foncés. "L'autre entraîneuse permanente est Faith. Et elle est souvent partie en vadrouille !" "Ca ne paraît pas très équitable."

"N'est-ce pas ?" Kennedy appuya de son poids sur son autre pied et souffla. "Faith est une Tueuse depuis des années alors que je suis active depuis seulement trois mois, bla bla bla... Peu importe," grogna-t-elle un peu en colère. Elle ferma les yeux et inspira profondément, comme si elle était en train de se parler à elle-même à l'intérieur. Elle ouvrit les yeux, secoua la tête et sourit, son irritation s'était déjà dissipée.

"Et écoute-moi, je suis redevenue une petite morveuse ! J'ai trouvé des portes de secours à tout ça," expliqua-t-elle. Kennedy sourit à Judith à la manière d'une petite fille qui jubile. "Et si on allait dans la salle des armes jouer avec des objets pointus et mortels ?" La réponse de l'autre Tueuse fut seulement une expression de joie.

"Ca parait... pointu", observa Jackie. "Et aussi sûrement mortel," dit Dawn. Brenda reconsidéra le sujet avec prudence. "Je trouve ça mignon," déclara-t-elle. Ses amies la regardèrent comme pour lui suggérer d'aller faire une thérapie. Brenda baissa subitement la tête pour échapper à leurs regards.

"Eh bien, oui, je le pense," ajouta-t-elle, doucement mais sur la défensive. Les trois paires d'yeux se dirigèrent à nouveau sur le sujet en question. Elles étaient appuyées contre les casiers et un groupe de jeunes garçons se tenaient au centre du hall. L'un d'eux attirait plus leur attention. Grand et musclé, comme beaucoup d'adolescents ici, il portait un jean baggy très classique, une chemise ouverte sur un tee-shirt aux couleurs contrastées. Mais ce qui suscitait tant d'attention étaient ses cheveux : teints en bleu pétant et coiffés en piques courtes.

"Vous devez admettre que c'est différent," dit Brenda, cherchant à être positive. Dawn se moqua d'elle, sentant qu'elle n'avait rien à admettre du tout. "Il ressemble à un Shtroumf". Les yeux toujours rivés sur la cible, Jackie pencha la tête vers ses amies. "Vous sortiriez avec lui ?" "Oh, oui," répondit Brenda sans hésiter. "Il a les cheveux d'un Crayola !" s'exclama Dawn incrédule en se tournant vers Brenda avec des yeux qui semblaient dire : 'qu'est-ce qui cloche chez toi ?'. Mais Brenda était maintenant perdue dans son propre monde. "Ouais, mais vous l'avez vu faire du skateboard ?" demanda-t-elle la voix rêveuse. Jackie et Dawn sourièrent devant leur amie très éprise et roulèrent des yeux face à la situation désespérée.

Le son de la cloche les fit sursauter hors de leur rêverie et Jackie se tourna vers son casier, l'ouvrit et en sortit un manuel difficilement tellement le casier était encombré. Elle claqua la porte et se retourna juste à temps pour voir le garçon en question passer devant elles. Elles lui sourirent toutes les trois, chose qui n'échappa pas au jeune homme. Il sourit légèrement et leur hocha la tête gentiment. "Hey !" dit-il, calme et cool.

"Hey !" répliquèrent les filles. Elles restèrent à l'écart jusqu'à ce qu'il soit au loin. Alors, elles s'avancèrent en même temps pour le regarder partir dans le hall. Lorsqu'il fut complètement hors de vue, elles semblèrent se remettre en marche, comme si elles n'avaient pas été dérangées.

"Et Grip !" cracha Dawn, quasiment dégoutée. "C'est quoi comme nom, 'Grip'?" Elle se tourna et avança dans la direction opposée, Jackie et Brenda sur ses talons. Brenda expliqua : "C'est le diminutif pour 'Agrippa'. Son père est un prof d'histoire romaine en Pennsylvanie." Dawn ne voulait pas se calmer. "C'est un verbe ! Ca ne va pas." (to grip est en effet un verbe qui signifie 'saisir', 'prendre', 'agripper'...) "Ouais, on ne peut pas tous s'appeler en référence à un moment de la journée," nota Jackie. (Dawn signifie 'l'aube'). Dawn lui jeta un regard furieux.

"Et puis," ajouta Brenda, "le nom de ta soeur est Buffy. Je ne crois pas que tu sois dans une bonne position pour juger." (Buffy est un nom très rare aux USA) "Bon, alors j'abandonne," dit Dawn rapidement. "Il est juste un peu étrange, c'est tout ce que je voulais dire." Les sourcils de son amie se contractèrent. "Oui, oui," dit Jackie d'une voix traînante, ce qui exaspéra à nouveau Dawn.

Brenda les regarda nerveusement l'une après l'autre. "Alors," coupa-t-elle avant que les choses ne montent en intensité, "vous voulez venir chez moi ce soir pour dîner ?" "Ok," dit Jackie sans trop réfléchir. "Ma mère a pris l'étrange habitude de cuisiner du sauerkraut. Très perturbant. Alors, je saute sur les occasions de pouvoir échapper à ça." (le sauerkraut est un plat allemand fait de choux découpés en morceaux qui fermentent dans leur propre jus).

Dawn hocha la tête à Brenda. "Ca me parait bien, laisse-moi juste vérifier." Les trois amies s'arrêtent à l'extérieur des bâtiments et Dawn attrapa son sac pour prendre son téléphone portable. Elle s'éloigna de quelques pas de Jackie et Brenda, qui papotaient, et composa un numéro. Elle mit le téléphone sur son oreille et attendit quelques secondes avant que quelqu'un ne décroche.

"Hey ! Willow ! Brenda a invité moi et Jackie à dîner, je peux y aller ?" Dawn écouta. "Attends une seconde," répondit-elle avant de se tourner vers les filles. "Est-ce que l'une d'entre vous peut me ramener chez moi après ?" Jackie hocha la tête, Dawn lui fit un grand sourire et dit : "Oui, Jackie me ramènera à la maison. Et oui, elle, elle a son permis," ne put s'empêcher d'ajouter Dawn, amusée. Elle écouta encore un moment et sourit. "Ok, ok. Cool, merci. Je vous vois un peu plus tard dans la soirée. Je vous aime."

"Je t'aime aussi," dit Willow dans le téléphone. Elle le reposa ensuite à sa place et se tourna vers Alex, désormais assis à un bout du canapé. "C'était Dawn," expliqua-t-elle en s'asseyant près de lui. "Elle va dîner chez Brenda."

"Dommage, j'étais enfin prêt à annoncer ma grosse surprise," dit Alex en secouant la tête avec regrets. Le ton de Willow fut sans équivoque. "Alex..." le prévint-elle. Ca marcha. Alex redevint immédiatement sérieux. "Je ne sais pas quoi dire d'autre, Willow. Je sais que ça paraît soudain..."

Willow s'agita un peu plus. "Paraît soudain ? On discute des programmes à la télé, puis je pars un petit moment et quand je reviens, tu me dis que tu t'en vas !" "... Mais ça ne l'est pas," finit-il comme s'il n'avait pas été intérrompu. "Ca fait longtemps que j'y pense." Alex s'arrêta, cherchant ses mots. "Il n'y a rien ici pour moi," ajouta-il finalement.

Alarmée, le visage de Willow se crispa et il réalisa ce qu'il venait de dire. Il avança son bras et prit l'une de ses mains, la tenant gentiment entre la sienne. "C'est pas ce que je voulais dire. Je veux dire... Toi et Giles, vous faites le plus gros du travail -- toutes ces choses bureaucratiques qui m'endorment en quelques secondes." Il lâcha sa main. "Je ne peux pas entraîner notre section de super soldats comme Kennedy et Faith. Mon aversion pour le tweed m'élimine en tant qu'Observateur. Je ne peux pas non plus recruter parce que je suis si amer que la seule chose que j'ai envie de dire à ces filles, c'est de partir et de ne jamais regarder en arrière. Bon sang, même Andrew participe plus ici que moi." Il fixa la jeune fille rousse intensément et appuya ses mots. "Je suis moins utile qu'Andrew. Dis-le à l'intérieur de toi et vois comme c'est pathétique." "Tu n'es pas pathétique," dit Willow d'un ton véhément. "Si tu n'avais pas été là, nous serions encore en train de nous faire avoir par des hommes du bâtiment mous et poilus. Hé ! C'est un gros facteur. Mais... mais tu es arrivé, tu as mis de l'ordre et regarde à quoi ressemble Slayer Central maintenant." Mais Alex ne semblait pas convaincu, alors elle continua. "Et tu as construit, réparé et fait toutes ces choses impressionnantes avec des outils aux noms intimidants, comme 'perceuse' et 'tour' et... 'marteau'." Elle fronça les sourcils en disant ce dernier mot, mais retrouva vite son ampleur. "Je veux dire, tu l'as dit ce matin, combien de fois est-ce que tu as sauvé la boite aux lettres d'un désastre appelé Dawn ?"

"Je sais manier un pistolet à colle, c'est vrai," céda Alex avant de revenir sur ses paroles, "mais tout le monde pourrait faire ce que je fais en lisant un manuel d'emploi. Tu pourrais sortir, te trouver un mari moyen et il pourrait faire ce que je fais." Il s'arrêta, remarquant le regard de Willow qui voulait dire 'je crois bien que non'. "Tu sais, si tu le voulais," dit-il avant d'ajouter une réflexion. "Je pense que Kennedy ferait l'affaire. Je la vois bien porter ma ceinture d'outils."

Alex secoua la tête et son humeur s'assombrit à nouveau. "Mais il n'y a pas que ça. Ici, tout semble si..." Il regarda Willow, voulant de tout son coeur qu'elle le comprenne. "Il n'y a aucune connection. Tu ne le ressens pas ?" Willow sourit tristement en hochant la tête. "Ouais. Oui, je crois que je le sens. Je veux dire, nous avons tous grandi à Sunnydale. Nous y avons passé nos vies. Pour tous les autres, c'était juste un autre endroit. Mais pour nous, c'était notre maison." "Même si elle était située sur la Bouche de l'Enfer." "Plus de Bronze. Plus d'Expresso Pump. Plus de Stevenson Hall." "Plus de crypte Alpert. Plus de Sunnydale High, même pas un petit lycée carbonisé. Plus de Revello Drive."

Les deux meilleurs amis restèrent assis dans un silence confortable pendant quelques minutes, chacun perdu dans ses pensées. Quand Willow parla à nouveau, elle utilisa un ton calme, montrant qu'elle l'avait enfin compris. "Qu'est-ce qui a déclenché tout ça ?" demanda-t-elle à Alex. Il baissa la tête et regarda au loin, comme s'il était un peu en colère contre lui-même. "C'était stupide. Je zappais à la télé et j'ai vu une publicité sur CNN pour 'Moneyline'." Il s'interrompit et se tourna vers Willow, le visage plein de remords. "Elle ne ratait jamais un épisode," dit-il, la voix étouffée. "Même quand elle avait peur, que la mort ou les vampires étaient proches, elle n'en ratait jamais un épisode." "Les odeurs me font le plus souffrir," dit Willow d'un air désolée. "Quand je l'attends le moins, il y a cette parfaite combinaison de parfums. Comme... comme la pluie et le jasmin." Un autre silence s'engouffra dans la pièce, plus triste, mais plus empli de compréhension. "Il n'y a aucune connection ici, tu as raison," acquiesça Willow à contre-coeur. "Mais je crois qu'il y en aura une si on laisse faire les choses. Mais, ça va prendre du temps. Tu dois laisser le temps faire son oeuvre," implora-t-elle à Alex. Il ne lui répondit pas directement. "Est-ce que ça cessera de faire mal un jour ?" réussit-il enfin à dire, incapable de regarder Willow en face.

Elle réfléchit à sa question avec prudence. "Complètement ? J'espère pas. Je crois que le jour où ça arrive, ça veut dire qu'on les a définitivement perdus. Mais un jour... peut-être pas demain ni après-demain... mais un jour, tu te réveilleras, te souviendras du bon vieux temps, et tu souriras au lieu de pleurer." Alex croisa enfin son regard, les yeux embués de larmes. Willow ravala les siennes avant de continuer d'une voix forte et sincère.

"Quand j'étais au plus bas, tu étais là. Tout ce dont j'avais envie, c'était de me recroqueviller et mourir. Ah, oui, et emmener le reste du monde avec moi aussi, mais soyons honnêtes, c'était pas vraiment équitable. Le fait est que tu étais là et que tu ne voulais pas m'abandonner. Tu n'as pas seulement sauvé le monde, Alex, tu m'as sauvé." Le coin de ses lèvres se tordit mais elle parvint à esquisser un sourire. "Alors, arrête d'être idiot, et laisse-moi te rendre la pareille."

Les mots de son amie s'inscrivirent dans sa chair et il sourit légèrement. Il regarda Willow avec une affection non dissimulée. "Je n'en sais rien pour demain ni pour après-demain. Je ne peux pas te promettre sur du long terme. Mais c'est d'accord pour aujourd'hui." Son sourire était faible, mais il réussit à le faire durer. Le visage de Willow rayonna tandis qu'elle se jetait sur lui et le serrait fort dans ses bras.

Hazel marchait dans le cimitière, suivant Faith de très près .C'était sombre et menaçant -- comme la plupart des cimetières -- et les rayons blanchâtres et froids de la lune qui brillait dans un ciel sans nuages semblaient augmenter sa tension.

"Je dois avouer," marmonna Hazel, sa voix à peine plus forte qu'un murmure, comme si elle ne savait pas si elle pouvait parler à voix haute dans cette situation, "que j'ai souvent fait le mur pour me rendre dans des endroits bizarres, mais alors ça !" Elle parcourut l'endroit des yeux. "C'est nouveau."

A quelques pas devant elle, Faith haussa les épaules. Sa propre voix était normale, ni trop forte ni trop basse. "Tu devrais essayer de t'y habituer rapidement. C'est presque... apaisant," ajouta-t-elle. "Errer dans un cimetière en plein milieu de la nuit, c'est apaisant ?" demanda Hazel, pas gênée de montrer son scepticisme.

"Eh bien, en fait, c'est encore un peu tôt pour moi. Je ne suis pas encore bien avant minuit. Mais sinon... ouais." Faith jeta un coup d'oeil à Hazel derrière elle avant de continuer à avancer dans la région pour expliquer. "La plupart des choses dans les cimetières sont prévisibles. Tu as la terre retournée, tes petites rangées de pierres tombales... Et peu importe l'endroit du monde, les cimetières sont presque pratiquement tous les mêmes. Mais pourtant, il y a cette question qui demeure. Qu'est-ce qui est vraiment enterré là-dessous ? Qu'est-ce qui attend dans l'ombre que tu baisses ta garde ? Ils te frappent. Ils te font sentir vivante."

Hazel regarda Faith comme si elle avait perdu la raison. "Sortir à des heures pas possibles pour tuer des morts-vivants te rend vivante ?" répéta-t-elle. Faith hocha la tête et haussa les épaules. "Oh, ok. J'espère vraiment te comprendre un jour." "Attends un moment. Quelques patrouilles, et tu verras ce que je veux dire." "Chouette," répondit Hazel, saisissant l'occasion d'être sarcastique. Elles continuèrent à avancer dans le cimetière. La démarche de Faith était totalement détendue, même si son regard était à l'affût du moindre mouvement autour d'elles. Hazel semblait bien moins à l'aise, elle tremblait même, soit à cause de l'ambiance ou à cause de la brise qui soufflait, et elle ferma son manteau. Comme aucune des deux ne parlait, elle remuait nerveusement et finit par craquer.

"Donc, euh... Tu fais ça depuis longtemps ?" demanda-t-elle, doutant que ce soit le meilleur sujet de conversation dans cette situation. Faith ne regarda pas en arrière et répondit. "Environ cinq ans maintenant. J'ai eu besoin d'un break cependant, de penser à autre chose." "Et tu aimes ça ?"

Pour la première fois, Faith s'arrêta et son visage rayonna tandis qu'elle regardait Hazel. "J'adore ça. Il n'y a rien au monde qui ressemble à ce que les Tueuses font." Elle sembla réfléchir un moment. "J'aime peut-être ça un peu trop des fois, mais bon ! On a tous nos petits caprices, n'est-ce pas ? Ca nous rend humain," sourit-elle. La jeune fille n'était cependant pas capable de montrer le même enthousiasme. "Je ne suis pas sûre d'apprendre à aimer ça. Je veux dire," elle regarda ses mains et bougea ses doigts. "Je commence à apprécier le fait que ce pouvoir me rend forte et tout, mais..." Elle rabaissa les mains et se tourna vers Faith. "Je sais pas. Ca me paraît trop. Comme si, si je ne fais pas attention, ça deviendra plus fort que moi. Je contrôle en ce moment, mais jusqu'à quand ?" Hazel soupira, apparemment frustrée. "Je ne crois pas que j'explique ça super bien."

"Non, c'est cool." Faith tendit son bras pour donner un petit coup de soutien dans l'épaule de Hazel. "Je sais ce que tu veux dire. Et c'est bien." En voyant le regard perdu de la jeune fille, elle clarifia : "Je veux dire que c'est bien que tu t'en rendes compte." Soudain, Faith rit assez fort. "Ca prend pas mal de temps à certaines Tueuses pour réaliser ça." Le front de Hazel se plissa et elle ouvrit la bouche pour parler. Mais Faith anticipa la question et se tourna vers elle. "Tu sembles être une gamine intelligente, Hazel," dit Faith. "C'est bien aussi. Ca te gardera en vie plus longtemps."

"Si je suis si intelligente, comment ça se fait que je sois en train de me promener dans un cimetière, la nuit, avec quelqu'un que je connais à peine ?" dit Hazel en riant. Les deux filles s'arrêtèrent devant une tombe faite il y a peu. Faith la regarda pendant un moment et sourit à Hazel. "Mes charmes naturels. Tu ne pouvais pas dire non." Hazel rigola, contente que l'atmosphère se détende. "Mais n'oublie pas," ajouta Faith, "que nous sommes venues ici dans un but précis."

"Et qu'est-ce que j'avais vraiment besoin qui se trouve dans un cimetière ?" La jeune fille sauta en arrière, le souffle coupé quand une main jaillit soudain hors de terre. Faith observa la main avec indifférence tandis que les mâchoires et les yeux de Hazel étaient ouverts en grand. La Tueuse se tourna vers elle. "Voici la preuve." chapitre 4 :

Un cri étranglé sortit de la gorge de Hazel tandis qu'elle reculait, bouche bée devant la monstruosité qui sortait de la tombe à ses pieds. "Mais... Mais qu'est-ce que c'est ?" réussit-elle à dire, la voix serrée et tremblante. "Un vampire," lui répondit Faith calmement. "Tu n'écoutais pas ce que je te disais tout à l'heure ?"

"Mais... mais, mais..." bégaya Hazel qui n'arrivait pas à faire coordonner son esprit et sa bouche. "Je crois que ton disque est rayé," dit Faith. "Tiens". Faith tendit un pieu en bois de bonne taille à la jeune fille. Hazel le prit et l'inspecta minutieusement, comme si elle n'avait jamais rien vu de tel. Son attention était divisée entre cet objet dans sa main et le vampire qui était presque entièrement hors de sa tombe. Sa confusion se lisait dans chacun des traits de son visage. Elle remua l'objet vers Faith. "Qu'est-ce que..."? articula-t-elle.

Faith s'était un peu éloignée de la jeune fille et s'appuyait contre une crypte. "Un pieu," dit-elle. "L'arme favorie des Tueuses. Leur bout pointu est très utile." Elle fit un geste en direction du vampire qui avait complètement émergé de terre. Il regardait autour de lui, l'air désorienté. Ses yeux froids et jaunes étaient dirigés sur Hazel. Cette dernière semblait incapable de faire quoi que ce soit, à part regarder Faith, le pieu et le vampire, les yeux écarquillés. "Il semblerait que notre homme soit prêt à faire la fête," dit Faith ironiquement, s'installant pour regarder le spectacle.

Le cerveau de Hazel marchait au ralenti. "Prêt à..." Elle lança un regard interrogatif à Faith quand un petit bruit sec se fit entendre. "Quoi ?" Un grognement coupa court à une possible réponse et le vampire se rua sur Hazel. La jeune fille hurla de peur à nouveau, mais réagit instinctivement en donnant un coup de pied à la créature. Faith resta adossée à la crypte, regardant chaque mouvement, mais ne voulant pas intervenir.

Le vampire se remit rapidement debout et attaqua à nouveau Hazel. Il la frappa dans la machoire et elle tomba en arrière. Faith fit la grimace et se massa les dents de compassion. Hazel se releva et serra le pieu dans sa main droite. Les yeux un peu fermés, elle commença à agiter le pieu dans les airs, ses mouvements étaient vraiment incertains. Le vampire s'immobilisa à quelques mètres de la jeune fille et la regarda pendant un petit moment tandis qu'elle continuait à remuer son pieu dans l'espoir de frapper dans quelque chose de solide.

"Mais qu'est-ce que tu fais ?" demanda finalement le vampire. Hazel ralentit, ouvrit un peu plus les yeux et réalisa que la bête était vraiment hors de sa portée. Tout ce qu'elle parvint à dire fut : "Hein ?" "Je veux dire, ça veut dire quoi le...?" Le vampire imita les gestes de la jeune fille et haussa les épaules. "Je dois dire que ce n'est pas très intimidant." Hazel se redressa pour paraître plus grande et regarda le pieu dans sa main. "Eh bien... Je..." Puis, elle fronça les sourcils. "Est-ce que tu te moques de moi ?" "Non !" se défendit-il. "Non, je... D'accord, un petit peu. Je veux dire, c'est évident !" Et il éclata de rire. "Tu devrais te voir faire !"

Des éclairs semblèrent jaillir des yeux de Hazel et toute peur s'évapora en elle, ne laissant qu'un sentiment de colère. "Oh, et toi ? Tu t'es vu ?" lui lança-t-elle. "Je sais que je n'ai jamais vu de vampires auparavant, mais je m'attendais à quelque chose de plus... Je sais pas, je pensais que les vampires ressemblaient à Brad Pitt..." Le vampire baissa la tête pour se regarder et parut offensé. Hazel avait la chance de son côté désormais, elle croisa les bras et son regard se fit encore plus critique. "Et c'est quoi ce costume ? Est-ce que c'est ta mère qui l'a choisie pour toi ?"

Le vampire réfléchit une seconde et conclut : "Ouais, probablement." "Oh," répondit Hazel d'une voix plus faible, comprenant l'implication derrière cette réponse. Le vampire soupira et dit avec nostalgie : "Bonne vieille Maman. Je devrais m'arrêter chez elle pour dîner. Mais je repense à quelque chose qu'elle avait l'habitude de me dire." "Quoi ?"

"Ne joue pas avec la nourriture." Le vampire combla la distance qui le séparait de la jeune fille avec une vitesse incroyable et donna un coup de pied dans son pieu, l'envoyant voler loin dans le cimetière. Hazel ouvrit grand la bouche, regarda sa main vide, puis le vampire. Avant de pouvoir comprendre quoi que ce soit, elle reçut un coup de poing sur la joue droite qui la fit tomber sur le sol. Le vampire poussa un grognement de faim en retournant la jeune fille sur le dos, la tenant fermement coincée. Hazel gigotait dans tous les sens, mais n'avait pas assez de force pour se libérer de l'emprise du vampire. Réalisant cela, ce dernier sourit, plein de malice, et prit son temps pour abaisser ses crocs nus et pointus jusqu'à sa gorge, savourant l'instant.

"Non !" protesta Hazel, complètement désespérée. Le vampire rigola et continua sa lente descente quand il releva la tête de surprise. Hazel se demanda ce qui se passait, lorsque la créature se transforma en poussière : sa peau s'effrita, laissant apparaitre le squelette qui se désintégra à son tour, révélant Faith au-dessus d'elle. "Est-ce que tu ne détestes pas les mecs qui ne comprennent pas que "non" est une réponse ?"

Faith tendit sa main à Hazel. La Tueuse remit la jeune fille sur pieds et commença à secouer sa veste pour enlever la poussière du vampire. Hazel resta debout, sans bouger, laissa Faith la nettoyer et avança sa main vers sa gorge, là où le vampire avait prévu de la mordre il y a quelques secondes. "Il... Il allait me tuer !" s'exclama-t-elle comme si elle venait de faire une découverte. "Eh ouais, c'est en général ce qu'ils aiment faire," répondit Faith d'un ton désinvolte. "Ne le prends pas pour toi."

Les yeux remplis de gratitude, Hazel se tourna vers Faith. "Tu m'as sauvé !" dit-elle. "Ouais, c'est en général ce que je fais." Elle s'arrêta avant d'ajouter. "Tu peux le prendre pour toi si tu veux." Hazel décida de le prendre pour elle et prit Faith dans les bras. Faith sursauta, surprise par la soudaine proximité avec la jeune fille. Elle regarda autour d'elle, se demandant ce qu'elle pouvait bien faire, avant de tapoter Hazel dans le dos, deux fois, et à la manière d'un robot.

"Merci !" s'exclama Hazel, prête à pleurer. "Ce n'est rien," remarqua Faith, disant cela parce qu'elle le pensait sincèrement, pas pour paraître modeste. Mais Hazel insista. "Non ! Tu m'as sauvé la vie !" Et elle resserra son étreinte avec la Tueuse. "Je ne sais pas comment te remercier." "Pas la peine de me remercier." Hazel refusait de bouger, ses yeux brillaient de gratitude et de soulagement. Faith essaya d'attendre que la jeune fille se sépare d'elle, mais au bout de deux secondes, elle se sentit si mal à l'aise qu'elle commença à gigoter un peu. Mais Hazel semblait se trouver bien dans ses bras.

"Hé ! risqua Faith, "c'est moi qui t'ai emmené ici pour que tu affrontes le vampire, n'oublie pas." Et ça marcha. Hazel recula en fronçant les sourcils. "Oh oui !" Faith soupira profondément de soulagement. La jeune fille parut revenir à la réalité. Elle regarda autour d'elle, par terre. "Whaou," dit-elle le souffle un peu coupé. "C'était vraiment un vampire." "C'est que maintenant qu'elle refait surface," plaisanta Faith.

Hazel essayait de se faire à cette révélation. "Alors les démons et tous les bidules ?" demanda-t-elle en se tournant vers Faith. "C'est réel aussi ?" "Ouais, tout ça." "Et ils sont partout dans le monde ?" Faith hocha la tête. "Ouais. Enfin, plus à certains endroits qu'à d'autres. C'est une histoire de Bouche de l'Enfer." Le visage de Hazel exprima sa confusion, alors Faith mit ça de côté. "Tu pourras apprendre tout ça plus tard. Mais tout est vrai." Elle s'arrêta en voyant que Hazel digérait toutes ces informations. Il était clair que des millions de pensées se précipitaient dans la tête de la jeune fille, mais il était impossible de savoir lesquelles.

"Donc," dit finalement Faith. "Maintenant, tu sais. Qu'est-ce que tu vas faire ?" La jeune fille semblait perdue. "Je... Je ne sais pas," admit-elle calmement. "De la façon dont je le vois, tu es à un carrefour." Faith fit un geste en direction de la sortie du cimetière. "Tu peux retourner dans ta petite maison sûre située dans ton petit quartier parfait, en prétendant que rien n'est jamais arrivé. Tu peux continuer à rire à l'idée que des vampires et démons se baladent la nuit. Peut-être qu'un jour, tu arriveras à te convaincre toi-même que ce que tu viens de vivre n'était qu'un rêve. Tu pourrais faire ça." Faith essaya de se faire plus grande. "Ou tu peux venir avec moi et embrasser les pouvoirs que tu as, et venir te battre avec nous."

Hazel semblait vraiment désorientée. Elle regarda fixement Faith puis tourna la tête vers la sortie. Elle avait soudain l'air d'une toute petite fille qui a une décision terriblement importante à prendre et qui ne savait plus vraiment là où était sa place. Faith avait de la compassion pour elle. "Tu n'as pas besoin de décider maintenant," dit-elle gentiment. "Nous n'allons nulle part." Elle fouilla dans l'une des poches de sa veste et en sortit une carte de visite qu'elle tendit à Hazel. La jeune fille la prit sans même la regarder. "Quand tu auras décidé, ou si tu veux plus d'informations, appelle ce numéro. Giles te répondra."

Hazel regarda la carte et ne dit rien. "Allez, viens," commença Faith en prenant la jeune fille par le bras et en marchant vers la sortie du cimetière. "Rentrons chez toi. Ca a été une grosse journée." Hazel permit à Faith de la guider, son attention toujours fixée sur la petite carte de visite dans ses mains. Elles marchèrent ainsi pendant une courte distance, aucune d'elle bien décidée à reprendre la parole.

'En train de' serait certainement le meilleur terme pour décrire le loft. Tout comme son bureau, la maison de Giles était un vrai bazar, avec des boites éparpillées un peu partout, certaines fermées, d'autres ouvertes. Malgré le désordre, il y avait quand même encore pas mal de place, permettant au loft de garder sa qualité première : son espace. Une table basse entourée d'un canapé et de plusieurs chaises semblaient être les seuls meubles à leur place. Tous les sièges étaient occupés par des individus propres sur eux et guindés, chacun d'eux paraissait très professionnel. Cela incluait l'homme assis dans un fauteuil poire qui avait l'air de n'avoir jamais connu de situations similaires dans sa vie, et qui ne prévoyait pas de répéter la chose.

Giles semblait faire tache avec son jean et sa chemise habituelle, mais les autres personnes présentes ne prêtaient pas attention à ces différences, ils observaient l'Observateur et son espace avec respect. Il marchait en long et en large devant de grandes fenêtres, sirotant son thé tout en écoutant parler une femme aux longs cheveux châtains.

"J'ai parlé avec un représentant tôt aujourd'hui et toute la paperasse sera finie d'ici la fin de la semaine prochaine," reporta-t-elle. Un homme, avachi dans une chaise luxueuse à gauche de la femme, sourit. "Ca rendra la tâche plus facile aux Tueuses désirant garder leurs pouvoirs secrets. Nous pourrons aider plus de filles comme cela." "Bon travail, il faut continuer," dit Giles en levant sa tasse pour les congratuler. "Il va encore falloir du temps avant que nous soyons capables de construire un bâtiment pour le Conseil dans cette région."

Un second homme prit la parole en rangeant ses papiers sur ses genoux. "Mon équipe a commencé à étudier tous les endroits possibles pour la nouvelle branche du Conseil des Observateurs. Je crois qu'un retour en Angleterre serait notre meilleure option." Il se pencha en avant, posa les coudes sur ses genoux. "Comme vous le savez, les relations entre le Conseil et les Covens (= un coven est un groupe de personnes possédant des pouvoirs paranormaux, sorcières...etc) dans la région étaient tendues au possible. Cela pourrait faire énormément de bien si nous nous allions à eux." Il se rassit confortablement dans son fauteuil en brassant ses papiers. Il trouva finalement celui dont il avait besoin et l'étudia de prêt. "Sans tenir compte de l'emplacement choisi, cependant nous prévoyons d'ouvrir les nouveaux bâtiments l'an prochain."

"Je pense que nous avons compris la leçon à propos de garder tous nos oeufs dans le même panier, si l'on peut parler ainsi," dit l'homme assis dans le fauteuil poire. "Et les branches internationales vont nous aider à surveiller les Bouches de l'Enfer dans le monde, plutôt que d'ignorer la plus puissante." Il réussit en quelque sorte à dire tout cela en gardant son air pudibond, même s'il faillit tomber du fauteuil par deux fois. Le second homme ajouta avec beaucoup de fierté : "Si les choses continuent, nous aurons une branche sur chaque continent avant que la décennie ne se termine." Giles sourit, amusé. "Si tout va bien, nous serons plus prolifique que Starbucks." Les autres le regardèrent avec étonnement. "Oui, vous avez raison," s'amenda-t-il en faisant semblant de ne pas avoir compris leur silence, "rien n'est plus prolifique que Starbucks." Vu le manque total de toute réaction extérieure, Giles se tourna vers la femme blonde assise sur une chaise et qui prenait des notes dans un petit carnet. "Notez ceci : nous devons incorporer un cours d'humour dans le programme d'entraînement."

"En parlant de cela," dit l'homme dans la chaise luxueuse, "nous avons presque épuisé nos options avec les nouveaux membres du Conseil. Nous apportons tout ce que nous pouvons, mais..." Il traîna, cherchant une expression diplomatique. "Eh bien, ils semblent moins enthousiastes à propos de notre nouvelle direction." "Bon débarras alors !" dit Giles immédiatemement et avec beaucoup de fougue. "Les jours où ils considéraient la Tueuse comme un instrument sont révolus. Une restructuration complète du Conseil, en en faisant un allié de la Tueuse, plutôt qu'un chef ridicule, cela faisait longtemps que j'y pensais. Nous nous en sortirons très bien sans ceux qui se tiennent fixés au passé."

Les membres du Conseil rassemblés ici se regardèrent, ne sachant pas quelle réaction avoir face à la véhémence de Giles. L'homme dans le fauteuil poire parla en premier, le ton courtois mais interrogateur. "Cela me paraît évident comme question, mais, où allons-nous nous tourner alors ? Nous sommes tous d'accord que plus d'Observateurs, quelque soit leur rôle, sera vital dans notre travail avec tant de Tueuses." Giles but une autre gorgée de thé, le visage détendu. "Du nouveau sang pour un nouveau Conseil," dit-il simplement. "Elles sont toutes dehors. Tout ce que nous avons à faire, c'est de les trouver."

Un coup à la porte fit sursauter Giles qui posa rapidement sa tasse. "Ah ! Excusez-moi, mais mon prochain rendez-vous est arrivé. Très important et presque inévitable," affirma-t-il sans plus d'explications.

Les membres du Conseil commencèrent immédiatement à rassembler leurs papiers, les rangeant dans des attaché-cases et des classeurs. Giles les conduisit jusqu'à la porte, souriant, et leur dit au revoir. Tandis qu'ils sortaient du loft, chacun s'arrêtait pour voir qui était le prochain rendez-vous et se retournait ensuite vers Giles avec un air surpris, mais personne ne dit rien.

Après que le dernier soit parti, Giles accueillit l'homme à la porte avec une excitation non cachée. "Je vous en prie, entrez." Il ouvrit la porte en grand. "Désolé que nous ayons dû faire cela si tard, Mr Giles," l'homme répondit. Il portait une paire de jeans bien taillée et un T-shirt noir avec des lettres roses fluos qui proclamaient qu'il était Tony du magasin de disques 'Doux Son de Tonnerre". Il s'avança dans le loft en poussant un chariot rempli d'équipements et d'une boite à outils. "Pas du tout," répondit Giles.

Il dirigea Tony jusqu'à une alcôve près du salon où un centre de loisirs avait été aménagé. Il était déjà partiellement rempli de morceaux détachés et d'abondants fils. A côté de ce centre de loisirs, toujours dans le mur, il y avait plusieurs étagères sur lesquelles étaient posé des centaines de disques. Tony se mit tout de suite au travail : il déchargea et sortit les objets de leurs boites, s'arrêtant seulement pour jeter un coup d'oeil aux disques.

"C'est une impressionnante collection que vous avez là," admira-t-il. "Et je dis ça sans jalousie." Giles fit un large sourire. "Merci. C'est étonnant ce qu'on peut trouver sur le...euh...net, online... de nos jours," bafouilla-t-il, incertain de la bonne expression à utiliser. "Oui, je sais. Je ne vis que pour Amazon," dit Tony en riant et en sortant une pièce détachée d'un noir brillant hors de sa boîte. Il fit un geste de la tête vers les étagères. "Alors, tous ces disques sont neufs ?" "Oui. Ma collection de disques a été perdue dans un....euh... un tremblement de terre il y a quelques mois." Son visage s'assombrit d'un sentiment de deuil. "J'avais une copie originale de 'Sgt. Pepper' et pleins d'autres choses." "Un tremblement de terre ? En Californie, c'est ça ?" Giles hocha la tête. "Oui." L'installateur leva soudain la tête, les yeux ronds. "Hé, c'était cet immense tremblement de terre qui a englouti la ville entière ?"

Giles se sentit mal à l'aise. "Oui, c'est ça," répondit-il à contre-coeur. Tony était tellement excité qu'il ne remarqua pas le changement de comportement de Giles. "Bon sang, c'était quelque chose," dit-il émerveillé avant de se remettre au travail. "Je veux dire, les tremblements de terre et les trucs de ce genre n'arrivent pas souvent jusqu'à chez nous, mais là... whaou ! J'ai vu des photos prises par satellite. C'est comme si la ville avait été avalée !"

"Voilà un verbe très amusant, en effet," commenta Giles. Tony n'écoutait pas vraiment, il avait à moitié disparu derrière l'installation. "Je n'arrive pas à croire que vous étiez là-bas. Comment avez-vous réussi à sortir de là ?" Après une pause pour réfléchir à la meilleure réponse, Giles dit : "Beaucoup de chance et un car d'école étonnament rapide." "Ah", marmonna Tony sans vraiment comprendre. Il continua : "Mais vous avez perdu tous vos vynils ?"

Les yeux de l'observateur se tournèrent vers le mur où une petite collection de photographies étaient accrochées. Leur présence ici était particulièrement perceptible étant donné l'apparence impersonnelle et spartiate du loft. Ses yeux se fixèrent sur l'une d'elle, vieille de quelques années maintenant. Elle montrait un groupe de personnes qui riaient. Il s'attarda plus spécialement sur trois d'entre elles : Joyce, Tara et Anya. "Oui, et bien plus encore," répondit-il finalement avec une grande tristesse.

"Et bien, ça devrait vous aider," dit Tony rayonnant, anxieux de faire disparaître la tension d'un moment apparemment très personnel. "Les albums ont un certain... charme vieillot, mais pourquoi continuer à vivre dans l'âge de pierre stéréophonique ?" Tandis qu'il regardait le regroupement de fils électriques, il ne vit pas le regard offensé de Giles. "Eh bien, si c'était assez bien pour les dinosaures, alors ça l'est pour moi. Peu importe," continua-t-il en observant sa nouvelle collection avec un air proche du dédain, "je trouve que ces...ces 'compact disques' manquent complètement de...d'attrait et de personnalité par rapport à un vieux disque." Giles tendit la main pour en prendre un au hasard sur l'étagère, le retournant dans sa main et l'observant comme s'il s'agissait d'un animal mort. "Ils sont si froids, impersonnels et..."

Une explosion soudaine de musique interrompit sa diatribe et Giles tourna la tête vers les haut-parleurs autour de lui qu'il avait installé plus tôt. Ils étaient situés d'une façon bien précise et il y avait un endroit qui devenait le centre idéal, un parfait nexus de son qui se trouvait être exactement à l'endroit où Giles se tenait. Les cordes passionnées de 'Sweet Jane' firent écho autour de lui et il absorba chaque note avec extase. "Froid et impersonnel," répéta-t-il. "Et très, très beau." Tony fit un large sourire. Un autre client satisfait.

Dawn ouvrit la porte d'entrée à la volée, jeta son sac d'école dans l'entrée et accrocha sa veste. Ne voyant personne, elle se dirigea dans le salon. Alex était de retour dans sa chaise, la même expression vide sur son visage, mais dès qu'il vit Dawn, elle fut remplacée par un sourire qui n'appartenait qu'à lui.

"Notre estomac prodigue est de retour," plaisanta-t-il. "Comment était le dîner ?" "Humm..." murmura Dawn avec reconnaissance. "Je pense que la mère de Brenda allait faire sa chose avec la casserole, mais quand elle a écouté qu'on arrivait, Mr Ridens a décidé de nous faire des sandwiches au steak au fromage à la place". Elle se jeta sur le canapé, de bonne humeur. "Qu'est-ce que vous avez mangé ?" Alex sourit en coin. "Un truc à la casserole."

Elle dit avec une grimace : "Ah oui... il n'y a pas vraiment d'endroit avec de la bonne nourriture dans cette ville. Je veux dire, ils pensent que Taco Bell est le nec plus ultra en matière de cuisine mexicaine," ricana-t-elle. "Mais je ne déteste pas le steak au fromage." Alex hocha la tête. "Oui, un repas où ils mettent des bouts de viande de vache dans plus de fromage que le corps humain peut digérer."

"C'est ce que je pense aussi," dit Dawn toute joyeuse. "Enfin, moi je rajouterais 'humm'." Elle s'arrêta un moment, pour changer de sujet. "Hé, Alex ?" demanda-t-elle un peu hésitante. "Ouais ?"

Dawn se tortilla, mal à l'aise, se frottant les mains sur ses genoux. "Est-ce que tu penses que...? Je veux dire... Suis-je...?" Elle soupira et réessaya. "Est-ce qu'il apparaît que je...?" Après son troisième faux départ, Alex essaya de détendre l'atmosphère. "Je sens qu'il y a une question quelque part, essayant vaillamment de se frayer un chemin dans le steak au fromage pour se faire entendre."

"Est-ce que tu penses que je suis ennuyeuse ?" arriva-t-elle à dire. Alex s'attendait à tout, sauf à ça. "Ennuyeuse ? Quoi ? Dawn, tu es une clef mystique plus vieille que l'Invention de l'Ecriture ! Je suis sûr que si tu regardes à "ennuyeux" dans un dictionnaire, la définition ne serait pas : 'clef mystique plus vieille que l'Invention de l'Ecriture'." Il pencha la tête, regardant Dawn. "D'où tu sors ça ?" "C'est juste que... Je veux dire, les choses que j'aime. Les livres, les ordinateurs, organiser mon tiroir à chaussettes par couleur et par longueur..."

"Organiser ton... ? Dawn, on n'arrive même pas à te faire nettoyer ta chambre !" dit Alex. "Bon, ok, peut-être pas ça. Mais les autres choses. J'aime l'école... enfin, pour le principe au moins. Je ne sors pas boire..." Voyant le regard d'Alex, elle s'empressa d'ajouter : "Et je ne sortirai pas boire parce que je suis bien trop... jeune pour ce genre de comportements." Elle soupira, en colère contre elle même. "Je n'aime pas les types aux cheveux bleus qui ont un skateboard, je ne tue pas de vampires, je ne peux pas faire de magie. Je me sens si ennuyeuse."

"Tu n'es pas ennuyeuse," la rassura Alex. "Crois-moi. Je sais ce que c'est. L'ennui, c'est fait pour Alex." Il pointa son doigt sur lui. "Tu vois ? La seule conclusion possible : Dawn n'est pas ennuyeuse." Dawn rigola et lui donna une petite tape sur le bras. "Imbécile."

"Et même si tu étais ennuyeuse, je t'aimerais quand même," dit-il. Elle sourit et roula des yeux de la façon universelle qu'ont les adolescents de le faire devant les adultes. Elle sauta sur ses pieds, sortit de la pièce avant de se retourner. "Merci, Alex," dit-elle avec reconnaissance. "Tu sais, personne ne peut me remonter le moral mieux que toi." Elle s'arrêta un instant. "Je suis vraiment contente que tu sois là." Elle lui fit un grand sourire sincère et excité. Alex la regarda partir puis son visage s'assombrit tandis qu'il se retournait vers la télé.

"Je suis très inquiète à propos d'Alex." A ces mots de Willow, Kennedy leva la tête et cessa de polir son épée de femme. La jeune femme rousse était allongée en travers du lit, une pile de papiers éparpillés devant elle. Elle n'y pensait plus pour l'instant, cependant, et elle regardait Kennedy avec une expression triste.

"Qu'est-ce qui ne va pas avec lui ?" demanda la Tueuse, le regard fixé sur sa petite amie, mais continuant tout de même de nettoyer son arme. "Tu veux dire à part ce qui semble évident ?"

Kennedy sembla confuse, pas certaine de ce que Willow appelait 'l'évident'. "Anya", précisa Willow. "C'est comme si... Je ne pense pas qu'il est vraiment compris que c'est vraiment fini, tu vois ? Je sais qu'il sait qu'elle est partie et qu'elle ne reviendra pas, mais... C'est comme s'il ne voulait pas le ressentir." Elle fronça les sourcils. "Ce n'est pas bon pour lui."

"Tout le monde s'arrange comme il peut avec son chagrin, Willow," répondit Kennedy en examinant attentivement son épée. "Peut-être qu'il a juste besoin d'encore de temps." Willow secoua la tête, convaincue que ce n'était pas si simple. "Mais tu ne le vois pas comme je le vois. Avec tous les autres, il est : 'la la la, tout va bien dans le monde d'Alex !' Mais ce n'est pas vrai. Je veux dire..." Un exemple lui vint à l'esprit et elle s'assit sur le lit en se penchant en avant. "Ok, aujourd'hui, j'ai essayé d'avoir une réaction de sa part, quelque chose quoi. Donc, je lui ai dit que j'allais à Victoria's Secret pour nous acheter des trucs. Et qu'est-ce qu'il a fait ?" Elle fit une pause pour l'effet dramatique avant de se taper dans les mains. "Rien. Zéro, nada. Même pas un petit semblant de regard lubrique." Ses sourcils se froncèrent d'inquiètude et elle secoua la tête. "Ca ne ressemble pas à Alex."

"Tu as acheté des choses à Victoria's Secret ?" demanda Kennedy, toujours arrêtée quelques phrases avant. "Nooonn," lança Willow, feignant d'être irritée. "J'ai juste dit ça pour avoir une réaction." "J'ai une réaction pour toi," dit Kennedy avec un sourire coquin. Le visage de Willow ne montrait aucun signe d'amusement. "Kennedy, je suis sérieuse. Je suis très inquiète."

La Tueuse sembla désolée et elle posa son épée, dévouant toute son attention à Willow. "D'accord, tu as raison. Je suis désolée. Tu le connais bien mieux que moi, alors si tu dis qu'il faut s'inquièter à son sujet, c'est qu'il faut s'inquièter à son sujet. Alors, qu'est-ce qu'on peut faire pour l'aider ?" demanda-t-elle, désirant attaquer le coeur du problème. "A propos d'Anya ? Pas grand chose," admit Willow. "Laissons-lui savoir que nous sommes là pour lui et que nous l'aimons. Essayer de ne pas le laisser se perdre. Et," ajouta-t-elle un peu triste, "il se sent un peu... inutile. J'avais pensé, peut-être que vous pourriez l'inclure dans l'entraînement ? Montre-lui qu'on est plus interessé par lui que par ses talents de bricoleur."

Kennedy sourit. "Et tu sais que la dernière chose qui m'intéresse, c'est des capacités d'un homme avec son outil." Son sourire s'élargit encore quand elle vit qu'elle avait amusé Willow, malgré elle. Retournant au sujet principal, elle fut rapidement d'accord. "Bien sûr. Les filles pourrait utiliser une cible vivante pour s'entraîner. D'une manière totalement sûre, bien sûr !" rectifia-t-elle en vitesse avant que la sorcière ne puisse protester. "Je parlerai à Faith aussitôt quelle sera rentrée."

"Merci," dit Willow, soulagée. "On doit juste rappeler à Alex toutes les bonnes choses qu'il y a ici. Montre lui qu'il est aimé et qu'il ne doit pas penser une nano-seconde à partir. Il n'y aura plus de discussion au sujet de son départ," proclama-t-elle, s'assurant que l'affaire était effacée dans sa tête. Elle se tourna vers Kennedy, la voix catégorique. "Il doit le savoir. Nous devons lui rappeler, Kenn."

"Oui, on le fera," lui assura Kennedy, " ce sera la première chose de demain." Willow fut soulagée, l'optimisme de Kennedy était contagieux. La Tueuse vint s'asseoir à côté d'elle, se serra contre son corps, passant un bras autour d'elle. "Mais il y a beaucoup d'heures à passer entre maintenant et demain. Qu'est-ce que tu veux en faire ?" "Un scrabble ?"

Elle fit la grimace quand Kennedy rejeta l'idée. "Pas exactement ce que j'ai en tête. Ce n'est pas que je n'aime pas entendre dire que mon vocabulaire est limité à des mots comme 'chat' et 'être' pendant que tu penses à 'conjonctive' et 'ziggurat'." Elle réfléchit pendant quelques secondes. "En fait, je n'aime pas ça du tout." "J'avais juste eu de la chance en piochant les lettres," Willow dit d'une petite voix. "On peut aller danser !" proposa Kennedy. "Peut-être que ça sera : 'Hé, on a enfin un groupe qui craint pas' au Vortex."

Wilow hocha la tête rapidement. "Oh non... Je ne suis pas d'humeur pour une crise d'épilepsie avec de la musique à vous percer les tympans. J'aimerais mieux rester là." Un moment de silence passa sans qu'aucune des filles ne soit capable de penser à quelque chose à faire qui serait acceptable pour toutes les deux. Elles observèrent la chambre désespérément à la recherche d'une idée, regardant partout sauf elles-mêmes. Alors que les minutes s'étiraient, Kennedy regarda là où elles étaient assises et sourit. "Eh bien, il y a toujours ma raison personnelle préférée de rester à la maison," roucoula-t-elle, glissant plus près de Willow. "Et ce serait bien dommage de gâcher toutes ces images mentales de Victoria's Secret."

"Oh, hé regarde," dit Willow toute innoncente en caressant la couverture. "On n'a pas besoin de bouger." "Oh, je pense qu'on va bien bouger !"

Au rez-de-chaussé, perdu dans ses pensées, Alex était avachi dans sa chaise, dans le salon. Il faisait complètement noir, à part les illuminations changeantes de l'écran de télé. Il approcha une bouteille de bière de ses lèvres, s'arrêtant une courte seconde avant d'avaler une grosse gorgée. Son visage restait impassible tandis qu'il regardait le générique de "Moneyline" apparaître à l'écran.

FIN DU PREMIER EPISODE